Prévenir les litiges avec une convention d’actionnaires béton
Dans la récente affaire Gestion Steve Perreault inc. c. 9310-7803 Québec inc.1, la Cour supérieure a eu l’opportunité de trancher un différend concernant l’évaluation du prix des actions d’une société de construction, dans une affaire de passation de titres. Cette décision souligne l’importance cruciale d’avoir des conventions entre actionnaires claires, complètes et bien rédigées.
Résumé des faits
L’affaire portait sur un désaccord quant à la méthode appropriée de calcul de la valeur des actions lorsqu’un actionnaire décide de se retirer de l’entreprise. La convention entre actionnaires (ci-après : « convention ») détaillait la méthode de calcul de la valeur des actions. Or, la partie défenderesse jugeait le prix proposé par la partie demanderesse comme étant trop bas, puisque ne respectant pas tout à fait ce qui était prévue par la convention. Le tribunal devait donc déterminer la valeur des actions au moment de la vente. Au surplus, la Cour devait décider de l’applicabilité d’une clause de pénalité de 25 %. La partie demanderesse alléguait en effet que les gestes posés par les défendeurs constituaient un « retrait des affaires », alors que ces derniers prétendaient qu’ils avaient seulement cessé d’être à l’emploi de l’entreprise, empêchant alors l’application de la clause pénale.
Décision de la Cour
La décision du tribunal s’est appuyée sur le libellé précis de la convention entre actionnaires. En effet, le juge a mis l’accent sur le principe que les parties sont liées par les termes clairement définis de leurs conventions, même lorsque le résultat obtenu n’est pas idéal pour l’une des parties. Le tribunal a rejeté les tentatives d’une partie de s’écarter des méthodes d’évaluation stipulées, soulignant que le langage non ambigu dans un contrat élimine le besoin d’interprétation.
[19] La Convention est un contrat qui constitue, en soi, la loi qui gouverne les parties. La demanderesse ne peut invoquer, à l’encontre de la Convention, d’autres éléments, faits ou facteurs qui pourraient justifier une autre évaluation de la valeur des actions […].
[20] Dès lors, il faut s’en remettre à l’intention des parties et ordonner le rachat des actions […] en fonction uniquement du mécanisme d’établissement du prix de vente des actions prévu à l’article 9.5 de la Convention.
Ensuite, le tribunal a clarifié le concept du contrôle actionnarial. En effet, un article de la convention prévoyait la réduction de 25% du prix de vente des actions en cas de « retrait des affaires ».2
Ensuite, le tribunal a clarifié le concept du contrôle actionnarial. En effet, un article de la convention prévoyait la réduction de 25% du prix de vente des actions en cas de « retrait des affaires ».
[52] Ainsi, pour que la défenderesse […] puisse perdre le bénéfice de pouvoir obtenir 100% du prix de ses actions, il faut que son actionnaire de contrôle pose un acte correspondant à un cas de retrait des affaires en refusant ou négligeant « (…) systématiquement, sans raison valable, de remplir ses fonctions qu’il s’est engagé à rempli[r] au service de la société […], ou met[…] fin à ce contrat, sans raison valable et sans l’accord du conseil d’administration.
[53] La demanderesse plaide que les deux défendeurs, qui exercent le contrôle de l’actionnaire corporatif 9310, ont démissionné sans préavis, ce qui constitue clairement un cas de « retrait des affaires ».
[54] Les défendeurs plaident essentiellement qu’il ne s’agit pas d’un cas de retrait des affaires pour deux motifs :
(1) Aucun d’eux n’exerce le contrôle de la défenderesse 9310; […]
[…]
[58] Selon les défendeurs, compte tenu du fait que chacun d’eux détient 50% des actions votantes de 9310, aucun d’eux n’exerce le contrôle effectif puisque chacun n’a pas suffisamment d’actions pour lui donner le droit d’élire la « majorité » des administrateurs.
[59] La demanderesse plaide que les deux défendeurs exercent le contrôle […] puisqu’ils détiennent ensemble 100% des actions et que les deux ont pris la décision de quitter la société […].
[60] La demanderesse a raison.
[…]
[62] […] [L]e contrôle d’une société s’entend généralement du contrôle de droit (de jure) et du contrôle de fait (de facto)[…]. La capacité d’élire la majorité des administrateurs équivaut généralement au pouvoir de choisir ceux qui gèrent les affaires de la société, […].3
Concluant que les actions des défendeurs avaient effectivement constitué un retrait des affaires, le tribunal appliqua ainsi la pénalité de 25% à la valeur des actions, préalablement déterminée.
À retenir
Il est essentiel d’avoir des conventions entre actionnaires bien rédigées et sans ambiguïté qui régissent les méthodes de calcul de la valeur des actions en cas de sortie d’un actionnaire. Des clauses claires prévenant les litiges futurs doivent être priorisées.
De plus, le contrôle actionnarial, même en l’absence d’une action de contrôle au sens strict, peut être établi par le tribunal en fonction des circonstances, notamment si les décisions de la société sont prises conjointement par les actionnaires qui la détiennent en parts égales.
Finalement, une convention claire peut prévoir des pénalités ou ajustements au prix des actions en cas de « retrait des affaires », mais le tribunal ne les appliquera que si les conditions sont strictement respectées et clairement établies dans le contrat.
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Rédigé avec la collaboration de Mme Laury-Ann Bernier, chargée de cours en droit.
1 Gestion Steve Perreault inc. c. 9310-7803 Québec inc., 2024 QCCS 4.
2 Id., par. 19 et 20.
3 Id., par. 52-62.