La Cour d’appel se prononce : une ordonnance de type Mareva est admise à la publicité


Par

À l’occasion d’une publication antérieure, nous avons fait l’exposé de trois ordonnances issues de la Common Law qui ont été importées en droit québécois, les ordonnances de type Norwich, Mareva et Anton Piller. Ces recours s’ajoutent donc à ceux prévus au Code Civil du Québec1 (ci-après le « C.c.Q. ») et au Code de procédure civile2 (ci-après le « C.p.c. ») afin de faire valoir ses droits. Récemment, la Cour d’appel a ajouté une autre corde à l’arc des justiciables québécois dans l’affaire Desjardins Assurances générales inc. c. Malo3 . À cet effet, le plus haut tribunal du Québec a infirmé la décision de première instance rendu le 29 mai 2019 et conclut, à l’unanimité, que l’ordonnance de type Mareva est maintenant admise à la publicité.

Faits saillants

Le 1er février 2019, la Cour supérieure accueille la demande que lui présentent les Appelantes intitulée Demande introductive d’instance pour l’émission ex parte et in camera d’injonctions provisoires et interlocutoire de type Anton Piller, Mareva et Norwich, d’ordonnances accessoires, d’ordonnances de confidentialité, en saisies avant jugement mobilières et immobilières et en dommages.

Le 12 février suivant, la Cour annule les saisies avant jugement et refuse de renouveler l’ordonnance de type Mareva

Le 20 février 2019, la Cour d’appel autorise l’appel de ce jugement et rend une ordonnance de sauvegarde à valoir pendant la durée de l’appel.

Le 22 mars 2019, la Cour accueille l’appel et ordonne la tenue d’une nouvelle audition sur le renouvellement des ordonnances et sur la validité des saisies avant jugement.

Le 30 septembre 2019, la Cour supérieure rejette les demandes en cassation de saisie avant jugement et en annulation des ordonnances de type Mareva, Anton Piller et Norwich, et reconduit ces dernières jusqu’au jugement final.

Entre-temps, les Appelantes apprennent qu’un des Intimés s’apprête à céder un immeuble qui lui appartient, mais dont elles ignoraient jusque-là l’existence et qui n’était donc pas visé par la saisie avant jugement immobilière. S’appuyant sur l’article 49 du C.p.c., les Appelantes demandent au tribunal l’émission d’ordonnances accessoires à une ordonnance de type Mareva enjoignant tout officier de la publicité des droits de toute circonscription foncière du Québec de publier toute ordonnance de gel d’actifs rendue dans les présents dossiers sur tout immeuble dont les Intimés sont directement ou indirectement propriétaires ou copropriétaires ou titulaires d’un démembrement du droit de propriété. Le 29 mai 2019, la Cour supérieure rejette la demande des Appelantes. L’honorable juge Sylvain Lussier conclut que l’article 2939 du C.c.Q. doit se lire de concert avec l’article 2938 du C.c.Q. et que ce dernier ne permet pas la publication d’une ordonnance de type Mareva. Les Appelantes ont donc saisi la Cour d’appel afin d’infirmer cette décision.

Question en litige

Les ordonnances de type Mareva sont-elles admises à la publicité?

Prétentions des Appelantes

Les Appelantes soutiennent que l’ordonnance de type Mareva est admise à la publicité puisque son essence est de restreindre le droit d’une personne de disposer de ses biens. Cette restriction se qualifie donc de « restriction au droit de disposer qui n’est pas purement personnelle » tel que le prévoit l’article 2939 du C.c.Q.

Analyse du tribunal

L’honorable juge Sansfaçon mentionne, tout d’abord, que les ordonnances de type Mareva sont dirigées à l’encontre d’une personne et non d’un immeuble puisque ces dernières ordonnent à une personne de ne pas disposer de biens. Ainsi, une telle ordonnance n’est pas créatrice de droit en faveur de la partie qui l’obtient à l’égard des de biens de la personne qu’elle vise. Néanmoins, l’ordonnance de type Mareva a un effet indirect sur les biens de cette personne et à l’égard des tiers.

Le juge souligne les similitudes entre l’ordonnance de type Mareva et la saisie avant jugement, notamment quant à leur objectif. Il conclut que « les deux recours, bien que passant par des voies différentes, constituent donc indubitablement des restrictions au droit de disposer du bien aussi musclées l’une que l’autre4 .

Le magistrat poursuit en mentionnant qu’il n’est pas pertinent de s’attarder à la nature du recours tel que l’exige l’article 2966 du C.c.Q. Il faut simplement vérifier si les conditions d’application prévues à l’article 2939 du C.c.Q. sont remplies. Ces dernières requièrent seulement la qualification de la restriction au droit de disposer, laquelle doit ne pas être purement personnelle. En l’espèce, l’ordonnance de type Mareva n’est pas purement personnelle aux Appelantes puisqu’elle affecte non seulement les Intimées, en restreignant leur droit de disposer librement de leurs biens, mais aussi tout acheteur éventuel ayant connaissance de l’ordonnance5.

Conséquemment, le tribunal conclut que les ordonnances de type Mareva sont des restrictions au droit de disposer qui ne sont pas purement personnelles au sens de l’article 2939 C.c.Q. et qu’elles sont admises à la publicité, et ce, sans l’autorisation du tribunal. De cette façon, l’inscription d’une telle ordonnance au registre foncier la rendra opposable aux tiers.

 

Rédigé avec la collaboration de Monsieur Alexandre Bellemare, stagiaire en droit. 

 

1 Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991.
2 Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01.
3 Desjardins Assurances générales inc. c. Malo, 2020 QCCA 462.
4 Id., par. 25.
5 Id., par. 36.