La clause d’inspection à pleine satisfaction : la discrétion de l’acheteur est-elle totale?


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Lorsqu’un acheteur formule une offre d’achat sur un immeuble, il est fréquent qu’il insère une condition selon laquelle même si l’offre est acceptée, la promesse d’achat demeurera conditionnelle à une inspection de l’immeuble à son entière et pleine satisfaction. En pareil cas, y a-t-il des limites à la discrétion de l’acheteur qui se déclare insatisfait?

Les termes de la promesse d’achat

Dans un premier temps, il importe de se référer aux termes du contrat afin de déterminer si les parties ont encadré les raisons pour lesquelles l’acheteur peut se déclarer insatisfait. Le cas échéant, l’acheteur devra évidemment justifier son insatisfaction en invoquant que l’une des raisons prévues au contrat pour résoudre la promesse de vente est rencontrée.

Par exemple, lorsque la vente est faite par l’intermédiaire d’un courtier, il n’est pas rare de retrouver la clause suivante, qui est suggérée dans le formulaire de promesse d’achat de l’OACIQ :

« Inspection par une personne désignée par l’acheteur

Cette promesse d’achat est conditionnelle à ce que l’acheteur puisse faire inspecter l’immeuble, y compris, le cas échéant, toutes les parties communes, par un inspecteur en bâtiment ou un professionnel, dans les __ jours suivant l’acceptation de la présente promesse d’achat […]. Si l’inspection révélait l’existence d’un facteur se rapportant à l’immeuble, qui soit susceptible, de façon significative, d’en diminuer la valeur ou les revenus ou d’en augmenter les dépenses, l’acheteur devra aviser le vendeur, par écrit, et devra lui remettre une copie du rapport d’inspection dans les quatre (4) jours suivant l’expiration du délai mentionné ci-dessus. La présente promesse d’achat deviendra nulle et non avenue à compter du moment de la réception, par le vendeur, d’un avis accompagné d’une copie du rapport d’inspection. Dans le cas où l’acheteur n’aviserait pas le vendeur, dans le délai et de la façon prévus ci-dessus, il sera réputé avoir renoncé à la présente condition. » (Nous soulignons)

Dans un tel cas, il s’agira pour l’acheteur d’invoquer que l’inspection a révélé l’existence d’un tel facteur. Il faudra alors se référer à une norme objective, laquelle renvoi « à l’état inadéquat de l’immeuble eu égard au prix consenti par un acheteur raisonnable, prudent et diligent »1.

Ainsi, l’inquiétude et l’angoisse financière de l’acheteur ne sauraient, en principe, suffire à elles seules pour justifier le refus de donner suite à une promesse d’achat2. Il en est de même de la présence d’irrégularités mineures ou de motifs connus de l’acheteur au moment de la conclusion de la promesse3. Au contraire, la jurisprudence a considéré « comme étant des motifs sérieux la découverte de vices cachés, d’informations provoquant l’erreur d’une partie, d’un vice de titre ou des limitations de droit public »4.

L’acheteur aura aussi toujours intérêt, d’autant plus face à une telle clause, à prendre avec sérieux les délais et la façon de faire prévus pour réaliser l’inspection et aviser le vendeur, afin d’éviter d’être considéré avoir renoncé à la condition.

La clause d’inspection de l’immeuble à l’entière satisfaction de l’acheteur

Il arrive parfois que le contrat se contente d’indiquer que la promesse d’achat est conditionnelle à une « inspection de l’immeuble l’entière satisfaction de l’acheteur ». Le cas échéant, la question est de savoir si l’acheteur peut soulever n’importe quel motif suite à l’inspection pour se dédire de la promesse. Après tout, le seul critère suivant une telle rédaction semble être la pleine et entière satisfaction de l’acheteur.

Pourtant, une réponse négative s’impose. En effet, la Cour d’appel a confirmé récemment que, face à une telle rédaction, « seule la présence d’un défaut légitime et du mécontentement de bonne foi du promettant-acheteur qui en découlent sont susceptibles de donner effet à la condition résolutoire contenue à la promesse d’achat »5.

Le critère du « défaut légitime »

Juridiquement, la nécessité pour l’acheteur de devoir invoquer un défaut dit « légitime » pour pouvoir refuser de donner suite à sa promesse d’achat comprenant une telle clause fait du sens. En effet, le Code civil du Québec prévoit que l’obligation dont la naissance dépendrait d’une condition qui révèlerait de la seule discrétion du débiteur serait nulle6. Or, une clause s’interprète généralement dans le sens qui lui confère un effet plutôt que dans celui qui n’en procure aucun7.

Ainsi, même si la promesse d’achat est conditionnelle à l’inspection de l’immeuble à l’entière satisfaction de l’acheteur, celui-ci ne pourra pas invoquer cette clause sans aucune justification8 ou pour des irrégularités mineures sans importances9. La justification fournie doit demeurer légitime et se rapporter à l’inspection faite de l’immeuble10.

Le critère du « mécontentement de bonne foi »

Le second critère établi par la Cour d’appel pour soulever une clause d’inspection de l’immeuble à l’entière satisfaction est la bonne foi de l’acheteur dans l’exercice de son droit11.

La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment des négociations précontractuelles  qu’au moment de la naissance de l’obligation, de son exécution et de son extinction12. Lorsque les parties conviennent d’obligations, la bonne foi leur impose notamment des devoirs de loyauté et de coopération qui exigent de chacun une attitude bienveillante et proactive qui permet à tous de tirer avantage du contrat13. Chaque partie doit donc éviter de compromettre l’existence de la relation contractuelle et d’empêcher à l’autre de retirer le bénéfice qu’elle en attend14, sans toutefois sacrifier ses intérêts légitimes15.

Ainsi, le vendeur est raisonnablement en droit de s’attendre de pouvoir bénéficier de la promesse d’achat pour vendre l’immeuble au prix convenu et l’acheteur doit loyalement coopérer avec celui-ci dans ce sens. L’acheteur ne pourra donc pas résoudre la promesse en invoquant un prétexte ou des facteurs frivoles16 et il pourrait, selon les circonstances, devoir donner la chance au vendeur de remédier son défaut ou négocier pour tenter d’en arriver à un arrangement17.

Toutefois, l’acheteur qui a convenu d’une promesse conditionnelle à une inspection à son entière satisfaction bénéficie de son côté d’un droit contractuel de résoudre l’entente si l’inspection révèle un défaut légitime et ses devoirs de loyauté et de coopération ne vont pas jusqu’à l’empêcher de tenir compte de ses intérêts propres dans l’exercice légitime de ce droit, mais ils lui imposent en principe que son comportement soit conforme à celui de la personne raisonnable, prudente et diligente de bonne foi placée dans les mêmes circonstances18.

Conclusion

Il faut garder à l’esprit qu’une promesse d’achat-vente est un contrat qui oblige le vendeur à vendre et l’acheteur à acheter19. La condition d’inspection de l’immeuble à entière satisfaction de l’acheteur ne peut donc pas être invoquée de façon totalement discrétionnaire par celui-ci, mais il pourra la soulever dans les délais convenus en présence d’un défaut légitime et d’un mécontentement de bonne foi. À défaut, l’exercice injustifié de la condition résolutoire exposera entre autres l’acheteur à de possibles recours judiciaires en dommages-intérêts et en passation de titre.

 

1 Leclerc c. Ortiz, 2006 QCCQ 1634, par. 29.
2 Id., par. 28.
3 Tremblay c. Lavoie, 2020 QCCQ 480, par. 59.
4 Id.
5 Tremblay c. Beaudoin, 2019 QCCA 695, par. 51.
6 Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991 (ci-après : « C.c.Q. »), art. 1500.
7 Art. 1428 C.c.Q.
8 Investissements GMN inc. c. Gestion S. Bisaillon inc., 2016 QCCS 5343, par. 50.
9 Lambert c. Mitnyan, 2015 QCCQ 4088, par. 27.
10 Vincent KARIM, Les obligations, 2015, Vol. 2, p. 40.
11 Tremblay c. Beaudoin, préc., note 5; Investissements Mékinac inc. c. 3064310 Canada inc., 2010 QCCA 1104, par. 42.
12 Art. 6, 7, 1375, 1434 et 1457 C.c.Q.
13 Roger Bisson inc. (Bisson Expert) c. Construction Benoît Moreau inc., 2020 QCCQ 2, par. 47.
14 Gestion Jean Crépeau inc. c. Corporation Sun Média inc., 2019 QCCS 565, par. 42.
15 Gestion immobilière Bégin inc. c. 9156-6901 Québec inc., 2018 QCCA 1935, par. 28.
16 Tremblay c. Lavoie, préc., note 3, par. 59.
17 Id.; Immeubles René Cossette c. Olstad, 2009 QCCQ 11038, par. 118.
18
Vincent KARIM, Les obligations, Vol. 1, p. 69 et ss.
19
Art. 1396 C.c.Q.