Quel est l’impact d’un don d’options d’achat d’actions sur l’impôt d’un contribuable?


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Certaines sociétés offrent à leurs employés un régime d’options d’achat d’actions, permettant à ces derniers d’acquérir des actions à un prix favorable, qui est généralement en deçà de leur valeur marchande. Le fait pour un employé de s’enquérir de cette option, et d’acquérir des actions profitablement, est un avantage au sens fiscal et sera donc imposable.

Or, qu’en est-il quand les options sont données à un organisme sans but lucratif ? L’employé peut-il réclamer un crédit d’impôt sur la valeur de ce don en omettant de déclarer les revenus qui y sont liés ? C’est ce sur quoi la Cour s’est penchée dans un récent jugement1.

Plus précisément, la question portait à savoir si un contribuable qui fait don d’options d’achat d’actions à un organisme de bienfaisance peut réclamer des crédits d’impôt pour le don tout en ne réclamant aucun revenu en lien avec celui-ci2. Ainsi, la question porte à se pencher sur l’application des articles 50 et 54 de la Loi sur les impôts3 (ci-après « L.I. ») parallèlement à l’article 422 L.I.

Faits saillants

Monsieur Des Groseillers travaille et dirige Groupe BMTC inc. (ci-après : « Groupe ») pendant plusieurs années. Groupe offre à certains de ses employés et administrateurs travaillant pour le groupe un régime d’options d’achat d’actions qui leur permet de souscrire aux actions de la société.

Le régime offert par Groupe offre deux options aux employés bénéficiaires : (1) la souscription des actions auprès de Groupe et (2) une option de vente à Groupe conférant le droit à l’employé d’exiger le paiement en espèce par Groupe d’un montant calculé sur la base de la valeur du marché et le nombre d’actions à l’égard duquel l’option est levée. Le régime prévoit également que les options ne peuvent être cédées ou aliénées que par donation à une œuvre de bienfaisance, à la condition que l’organisme n’acquière pas le titre et donc que toutes les options soient levées4.

En 2010 et en 2011, Monsieur Des Groseillers fait don de certaines des options auxquelles il avait droit en vertu du régime d’options d’achat d’actions offert par son employeur. La valeur des dons est conforme à ce que prévoyait le régime. Un total de 1 000 033$ est donné en 2010 et 2 000 022$ en 2011 à des organismes de bienfaisance. Ces derniers émettent des reçus d’impôt équivalant à la valeur qui leur est remise. Ensuite, Monsieur Des Groseillers, dans ses déclarations de revenus relatives à ces deux années d’imposition, réclame des crédits d’impôts égaux aux montants de ces dons, mais il ne déclare aucun revenu en lien avec ceux-ci5.

Après vérifications, l’Agence du revenu du Québec ajoute à Monsieur Des Groseillers le montant de ces dons à son revenu pour les années 2010 et 2011, et lui transmet des avis de cotisation à cet effet. Ce sont ces cotisations que conteste Monsieur Des Groseillers.

Prétention des parties

Tel que mentionné ci-avant, le litige porte principalement sur l’interprétation des articles 50, 54 et 422 de la L.I.

Les positions des parties se distinguent en ce que l’Agence du Revenu du Québec prétend que selon l’article 422 c) ii) de la L.I. un contribuable qui aliène ses options d’achat d’actions par donation est réputé recevoir une contrepartie égale à la valeur marchande de ces options, alors que Monsieur Des Groseillers prétend plutôt que l’article 422 c) ii) L.I. ne s’applique pas puisque l’article 54 L.I. exclurait l’application de ce dernier en lien avec l’article 50 L.I. Plus précisément il prétend qu’aucun avantage n’aurait été reçu en échange des dons puisque la valeur véritable de la contrepartie reçue est ce qui doit établir le quantum de l’avantage imposable – et en l’espèce il n’avait reçu aucune contrepartie.

Analyse de la Cour

Dans son analyse, la Cour précise l’application de l’article 422 L.I., lequel est une mesure anti-évitement qui a pour but de prévenir le fractionnement du revenu. Cet article vient modifier le résultat de transactions concernant un bien qui, lorsque disposé, son produit diffère de la juste valeur marchande6.

Également, la Cour indique que cet article se trouve dans une section de la loi qui prévoit des règles d’application générale, lesquelles ont pour effet d’apporter des correctifs à l’égard de certains types de transactions. Ainsi, les règles édictées à l’article 422 L.I. s’appliquent quel que soit la source du revenu7.

L’effet de l’article 54 L.I., contrairement à ce que prétend Monsieur Des Groseillers, n’est pas d’exclure l’application de tout autre article, mais est de donner préséance à l’application des articles 49 et suivants de la loi, sur tout autre article prévoyant une règle d’imposition. Elle ne permet donc pas d’exclure l’article 422 L.I. qui concerne le calcul du revenu imposable.

En somme, la Cour en vient à la conclusion suivante :

« [U]n contribuable ne peut, à la fois, recevoir un crédit d’impôt à la suite d’un don d’options d’achat d’actions à un organisme de bienfaisance basé sur la juste valeur marchande des options et s’opposer à ce que l’aliénation des options soit réputée faite à la juste valeur marchande, tel que prévu par l’article 422. Cette disposition spécifie que lorsqu’un contribuable aliène un bien en faveur d’une personne par donation, l’aliénation est réputée faite à la juste valeur marchande de ce bien au moment de celle-ci. Une conclusion contraire aurait pour conséquence de donner au contribuable un crédit d’impôt pour le don des options sans lui attribuer un revenu en lien avec l’exercice de ces mêmes options. »

Pour en apprendre davantage sur le droit fiscal, nous vous invitons à consulter notre expertise sur le sujet de même que les textes suivants :

Rédigé avec la collaboration de Madame Marianne Lapointe, stagiaire en droit. 

 

1 Des Groseillers c. Québec (Agence du revenu), 2022 CSC 42. Plus précisément, la Cour Suprême rejette un appel porté devant elle, et se rapporte aux conclusions de la Cour d’appel en la matière.
2 Agence du revenu du Québec c. Des Groseillers, 2021 QCCA 906, par. 8.
3 Loi sur les impôts, RLRQ, c. I-3.
4 Agence du revenu du Québec c. Des Groseillers, préc., note 2, par. 15 et 16.
5Id., par. 19 et 20.
6Id., par. 53.
7Id., par. 54 et 55.