Devoir de renseignement : les renseignements erronés en droit municipal


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Règlementation municipale : un devoir d’information au bénéfice des citoyens

Le devoir de renseignement avait été traité dans une publication antérieure, nous soulignions que le vieil adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » pouvait trouver exception lorsque des règlements municipaux sont rédigés d’une manière à rendre leur compréhension trop laborieuse.

En effet, le système de justice québécois demande à tous ses citoyens de connaître les lois et les règlements en vigueur de sorte que la défense d’ignorance n’est généralement pas permise sauf dans des situations particulières. Or, dans une décision récente, la Cour du Québec a mis en évidence une autre situation permettant de s’éloigner de cette obligation de connaître les lois et les règlements en vigueur dans un contexte où un citoyen est mal renseigné par un officier municipal sur la règlementation municipale en vigueur.

 

L’affaire Rondeau c. Ville de Carignan

Dans l’affaire Rondeau c. Ville de Carignan1, les demandeurs, envisageant d’acheter un terrain, s’informent auprès d’une inspectrice du département d’urbanisme de la Ville de Carignan afin de vérifier les permis requis et les coûts y étant associés afin d’y construire une résidence. Les demandeurs sont informés que les permis à obtenir coûteront un total de 1 250,00 $. Satisfaits de cette réponse, les demandeurs décident d’acheter le terrain en question. Or, ce n’est que plusieurs mois plus tard que les demandeurs apprennent par la Ville qu’ils devront débourser un montant supplémentaire de 8 430,00 $ à titre de contribution aux frais de parc. La preuve démontre que la préposée de la Ville ne connaissait pas l’existence même de cette taxe et, par conséquent, n’était pas en mesure d’en informer les demandeurs.

La Cour conclut que les municipalités ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour que les personnes chargées d’informer le public connaissent la règlementation en vigueur. Les demandeurs pouvaient raisonnablement se fier aux représentations de la préposée de la Ville, par ce fait, ils ont respecté leur devoir de renseignement.

Quant à l’adage « nul n’est censé ignorer la loi », la Cour conclut qu’il ne peut s’appliquer en l’espèce considérant la multiplicité des règlements municipaux et que même la personne en charge de renseigner les citoyens ignorait l’existence de ladite taxe de parc.

Le Tribunal conclut donc que la Ville de Carignan a commis une faute civile et qu’elle doit indemniser les demandeurs pour la somme de 5 058,00 $, soit 60 % de la somme réclamée pour la perte de chance dans la négociation lors de l’achat du terrain.

 

Recours en responsabilité civile contre une municipalité

Dans le contexte d’un recours en responsabilité civile contre une municipalité, il faut appliquer les mêmes critères qu’un recours général en responsabilité civile. Ainsi, la faute, les dommages subis et un lien de causalité entre cette faute et ces dommages doivent tous être prouvés2.

Lorsqu’il est question d’un acte posé par un officier municipal dans l’exercice de ces fonctions, tel que la communication de renseignements qui lui sont demandés en lien avec la règlementation municipale en vigueur, trois critères supplémentaires s’appliquent. Premièrement, il doit être raisonnable pour un citoyen d’attribuer une valeur aux renseignements obtenus. Deuxièmement, le citoyen doit agir sur la foi de ces renseignements. Troisièmement, les renseignements demandés et obtenus doivent être du ressort des pouvoirs afférents à une municipalité.

Complémentairement à la communication de renseignements erronés, les tribunaux ont, par le passé, conclut qu’un manque de rigueur dans l’étude du dossier3, une analyse superficielle de celui-ci4 ou l’émission d’un permis en contravention d’un règlement de zonage5 peuvent donner ouverture à un recours en responsabilité civile contre une municipalité.

Toutefois, à l’inverse, les simples échanges, les demandes d’informations non précises ou les questions trop larges pourraient entraîner l’échec d’un recours en responsabilité civile contre une municipalité.

 

En conclusion, compte tenu des multiples règlements municipaux, les municipalités ont, par le biais de leurs officiers, l’obligation de fournir des renseignements exacts, notamment concernant l’application de la règlementation municipale en vigueur. Lorsqu’un citoyen subit des dommages causés par des renseignements erronés, la responsabilité civile de la municipalité pourrait alors être engagée.

 

Rédigé avec la collaboration de Me Audrey Cliche.

 

1Rondeau c. Ville de Carignan, 2020 QCCQ 8551.
2Maska Auto Spring Ltée c. Ste-Rosalie (Village), 1988 CanLII 702 (QC CA).
3Allyson c. Lac-Beauport (Municipalité de), 2013 QCCS 444, Giguère c. Ville de Pont-Rouge, 2018 QCCQ 917.
4Haggerty c. Municipalité de Chelsea, 2019 QCCQ 7773.
5Michaud c. Québec (Ville), 1993 CanLII 3626 (QC CA).