Est-ce qu’un possesseur de bonne foi d’un bien volé peut en devenir le véritable propriétaire?


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Le Code civil du Québec prévoit « [qu’un] possesseur de bonne foi d’un meuble en acquiert la propriété par trois ans à compter de la dépossession du propriétaire »1.

La Cour d’appel du Québec s’est récemment prononcée sur l’application de ce principe à un bien meuble volé2. Plus précisément, elle a dû déterminer qui entre l’ancien propriétaire victime du vol et le possesseur actuel, qui ignorait la provenance du bien, était le véritable propriétaire du bien volé qui était, en l’espèce, un tableau du peintre Maqbool Fida Husain (ci-après : « Tableau »).

Faits saillants

En 1993, le Tableau est volé d’entre les mains de son propriétaire, Monsieur Sidney Lallouz (ci-après : « Lallouz »), qui constate le méfait uniquement en 1998, suite à un inventaire exhaustif de sa collection d’œuvres d’art.

Entre-temps, en 1997, Monsieur Jeffrey White (ci-après : « White ») reçoit le Tableau de son père sans jamais être informé de sa réelle valeur ou de sa provenance. De 1997 à 2015, White accroche le Tableau à sa résidence, et ce, sans aucune interruption. En 2015, White décide, par l’entremise d’une galerie d’art, de vendre le Tableau. C’est à ce moment-là que Lallouz découvre que le Tableau était en fait en possession de White.

Décision

La Cour supérieure du Québec a déclaré que White était devenu le légitime propriétaire du Tableau suivant les règles de la prescription acquisitive. La Cour d’appel du Québec confirme cette finalité, en rejetant l’appel, pour les motifs ci-après explicités.

En premier lieu, la Cour d’appel du Québec rejette la prétention de Lallouz à l’effet que la possession de White n’était pas publique et qu’ainsi la propriété du tableau ne pouvait être prescrite. En effet, la Cour mentionne que même si le Tableau était uniquement affiché dans la résidence de White, cette possession respectait les principes de la possession publique. La Cour réitère que la notion de possession publique réfère en fait uniquement à une possession non clandestine et sans présence de dissimulation de la part du possesseur. Compte tenu de la conformité de la possession de White à ces deux éléments, elle est perçue comme publique.

En deuxième lieu, l’argument apporté par Lallouz sur son impossibilité d’agir est également rejeté par la Cour. En effet, ce dernier soutenait qu’étant donné que le Tableau avait été volé, il ne pouvait savoir où se trouvait l’œuvre ni qui en était le possesseur et que de ce fait il se trouvait dans l’impossibilité d’agir et que pour cette raison la prescription ne pouvait courir contre lui. À ce titre, la Cour rappelle que : « Bien que ce ne soit pas toujours le cas, le propriétaire d’un bien meuble perdu ou égaré se trouve la plupart du temps dans l’impossibilité de le retracer puisqu’il ignore où il se trouve. […], cela n’empêchera pas un tiers qui aura trouvé l’objet de l’acquérir par l’effet de la prescription acquisitive, donc de l’article 2919. »

En conclusion, même lorsqu’il s’agit d’un bien meuble volé, il est possible, pour un possesseur de bonne foi, d’acquérir la propriété de ce bien par prescription acquisitive.

 

1 Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, article 2919.
2 Lallouz c. White, 2020 QCCA 1595.