Une plus grande protection pour les détenteurs de licence en cas de faillite


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Le 1er novembre dernier sont entrées en vigueur des modifications à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ainsi qu’à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, (ci-après les « Lois »). Ces modifications ont comme objectif de répondre à une situation problématique : qu’advient-il aux titulaires de licence lorsque le concédant de cette dernière devient insolvable ou fait faillite?

Malgré un changement législatif en 2009 qui protégeait en partie les utilisateurs de licence de propriété intellectuelle, notamment dans les cas de restructuration (65.11(7) LFI), la loi n’était pas claire sur la protection accordée en cas de faillite ou lors de toute autre situation encadrée par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

Les tribunaux ont parfois décidé que les contrats de licence pouvaient être résiliés par les syndics de faillite, parfois affirmé que ce n’était pas possible lorsque le détenteur de la licence continuait de respecter ses obligations¹. Confronté à cette incertitude juridique, le législateur canadien a choisi de résoudre la question en favorisant les intérêts du détenteur de licence. À cet effet, la loi canadienne modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies prévoit que :

« La sous-section E de la section 7 de la partie 4 modifie la Loi sur la faillite et l’insolvabilité afin de prévoir que les utilisateurs d’un droit de propriété intellectuelle peuvent conserver ce droit d’utilisation lorsque le droit de propriété intellectuelle est compris dans une disposition d’actifs dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité ou si le contrat s’y rapportant est résilié au cours d’une telle procédure. Elle modifie également la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies afin de prévoir que les utilisateurs d’un droit de propriété intellectuelle peuvent conserver ce droit d’utilisation lorsque le droit de propriété intellectuelle est compris dans une disposition d’actifs.² »

Il faut donc en comprendre que la règle générale, depuis le 1er novembre 2019, est que dès lors que le titulaire de licence « respecte ses obligations contractuelles à l’égard de l’utilisation de ce droit [découlant de la licence], et ce, pour la période prévue au contrat et pour toute prolongation de celle-ci dont elle se prévaut de plein droit »³, elle peut se prévaloir des droits découlant de la licence et en faire respecter l’utilisation.  Cela signifie que si le titulaire du droit de propriété intellectuelle respecte le contrat, on ne pourra lui opposer une résiliation avec comme seul motif l’insolvabilité ou la faillite du concédant de la licence.

Par ailleurs, alors que les titulaires de licence sont maintenant favorisés juridiquement, en ce qu’ils bénéficient de plus de certitude quant au devenir de leur droit d’utilisation d’un droit de propriété intellectuelle, certains risques d’ordre financier sont toutefois à considérer. En effet, advenant que la faillite du concédant et la vente successive du droit de propriété intellectuelle diminuent la valeur d’une licence, le titulaire serait alors obligé de payer les mêmes redevances prévues par le contrat, et ce malgré les pertes financières découlant de la diminution de valeur de la licence. Il est conséquemment fortement recommandé de rédiger les contrats entre concédant et titulaire en tenant compte de ces nouveautés législatives.

De plus, les Lois ne définissent malheureusement pas « obligation contractuelle » et « utilisation d’un droit de propriété intellectuelle ». Par conséquent, des litiges pourraient survenir relativement aux modalités d’exécution du contrat. Cette absence de définition pourrait également rendre difficile l’interprétation de contrats entre concédant et titulaire, diminuant alors l’intelligibilité ainsi que la prévisibilité des clauses contractuelles.

En conclusion, l’entrée en vigueur de la nouvelle législation apporte une clarification et une sécurité aux titulaires d’une licence d’un droit de propriété intellectuelle. Toutefois, compte tenu de la nouveauté de ces modifications législatives, les titulaires devront rester attentifs à l’interprétation qu’en feront les tribunaux ainsi qu’aux réactions du monde des affaires.

 

Rédigé avec la collaboration de Madame Laury-Ann Bernier.

 


¹Voir par exemple :
Osiris Inc. v. 1444707 Ontario Ltd., 30 CPR (4th) 154;
Royal Bank of Canada v. Body Blue Inc., 42 CBR (5th) 125;
Golden Opportunities Fund Inc. v.Phenomenome Discoveries Inc., 2016 SKQB 306.
²Loi n°2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, L.C. 2018, c. 27, Sommaire.
³Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, c. B-3, art. 65.11(7), 65.13(9), 72.1 et 246.1;
Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. 1985, c. C-36, art. 36(8).