Droit du travail – Salarié vs travailleur autonome : La relation économique entre les parties


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Dans la publication précédente, nous avons traité du contrôle de l’employeur ou du donneur d’ouvrage sur l’exécution du travail afin de déterminer le statut du travailleur.

En ce qui concerne le critère de la réalité économique entre les parties, la décision Ricard c. Melillo1 de la Cour du Québec explique que ce critère se compose principalement de deux sous-critères, soit la possibilité de réaliser des profits et le risque de pertes ainsi que les modalités de rémunération.

D’abord, en ce qui a trait à la possibilité de réaliser des profits et le risque de perte, ce critère doit être interprété largement afin d’y inclure toute forme de profits ou de pertes pouvant avoir des conséquences d’ordre pécuniaire pour la personne qui exécute le travail. Le salarié a droit à son entière rémunération et ne supporte aucun risque lié à son emploi. À l’inverse, il s’agit plutôt d’un contrat de services lorsque les revenus du travailleur dépendent de son nombre de clients, car celui-ci aura alors une possibilité de profits et il assumera un risque de perte2. Par exemple, dans la décision Brochu c. Mobilier de bureau Logiflex inc.3, il s’agissait d’une personne qui pouvait subir des pertes si ses ventes diminuaient ou si ses dépenses augmentaient. Monsieur Brochu était également libre de mettre en place des promotions telles que des tournois de golf ou des dîners d’affaires, mais ceux-ci étaient à ses frais puisque la compagnie ne lui versait qu’une commission à taux fixe. La Commission des relations de travail (maintenant le Tribunal administratif du travail (T.A.T.)) a donc conclu que le plaignant avait des chances de profit ou de pertes et qu’il était un entrepreneur indépendant.

Ensuite, pour l’aspect des modalités de la rémunération, lorsque la personne n’encourt aucun risque, ne paie aucun loyer ni aucune dépense, la rémunération aura davantage les attributs d’un salaire que d’un revenu d’entreprise. La régularité de l’horaire peut également renforcer l’idée que la personne ne détient pas une entreprise4. Par contre, il est important de préciser que la base d’établissement de la rémunération ne constitue pas un critère de distinction entre le salarié et d’autres personnes dont les services sont rémunérés5. En effet, dans l’affaire Gauthier c. Ressources Minières Radisson inc.6, la Cour du Québec mentionne que le type de rémunération n’est pas habituellement un critère qui à lui seul permet de clarifier la relation contractuelle. Or, cet aspect évalué dans le contexte global peut tout de même être un indice de la véritable nature du lien contractuel. Par ailleurs, certains facteurs doivent être considérés dans l’évaluation du critère relatif au salaire:

  • De quelle manière est rémunéré le prestataire de services?
  • Remet-il des factures à son client?
  • Des déductions sont-elles effectuées sur les montants qui lui sont versés?
  • Fait-il prendre en charge à son client les montants afférents à la taxe sur les produits et services (TPS) et à la taxe de vente du Québec (TVQ)?
  • Assume-t-il des risques de pertes et dispose-t-il d’une chance réelle de réaliser des profits?
  • Est-il économiquement dépendant de son client?7

De plus, le comportement d’une personne à l’endroit des autorités fiscales ne constitue pas un critère déterminant pour établir son statut en vertu de la Loi sur les normes du travail. Cependant, il n’est pas contre-indiqué de considérer ce facteur parmi les autres éléments de preuve pour réussir à qualifier adéquatement le statut du travailleur8.

Dans la prochaine publication, il sera question de la notion de propriété des outils, le troisième élément devant être évalué pour déterminer si une personne se qualifie à titre de travailleur autonome.


12013 QCCQ 11755.
2Id.
32010 QCCRT 327.
4Pelletier c. Nantel, 2015 QCCQ 6708.
5Robert P. Gagnon, Le droit du travail au Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 5e édition, 2003.
62015 QCCQ 6064.
7Luc Deshaies et Josée Gervais, « Contrat de travail ou contrat de service : où se situe l’ « autonomie » du travailleur autonome ? », dans S.F.C.B.Q., Barreau du Québec, vol. 348, Développements récents en droit du travail (2012), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 105, à la page 109, en ligne (consulté le 9 janvier 2018).
8North American Automobile Association Ltd c. Commission des normes du travail, 1993 CanLII 3709 (QC CA).