SQ : La confiance rompue justifie le refus d’embauche
La Cour d’appel du Québec a été appelée à se prononcer sur le refus d’embauche par la Sûreté du Québec d’un candidat atteint du syndrome de Gilles de la Tourette (ci-après «SGT»)1.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, agissant dans l’intérêt public et en faveur du plaignant, soutenait que ce refus constituait une discrimination fondée sur le handicap. La Cour devait ainsi trancher à savoir si l’omission du candidat de divulguer certaines informations médicales justifiait la rupture du lien d’emploi, ou si cette dernière cachait une véritable discrimination.
Le contexte
Le plaignant, après une carrière dans l’armée et en tant qu’agent correctionnel, postule à la SQ afin d’exercer le métier de policier. Ce dernier franchit avec succès toutes les étapes du processus de sélection et reçoit une promesse d’embauche. Il quittera son poste d’agent correctionnel afin d’entreprendre ses études à l’École Nationale de Police du Québec. Toutefois, la SQ apprend, lors de sa cérémonie de diplomation, qu’il souffre du SGT depuis l’âge de sept (7) ans – une condition qu’il n’a pas déclarée dans les questionnaires médicaux et administratifs exigés durant le processus. Il omet également de mentionner qu’il a consulté un psychologue à plus de 40 reprises, mention qu’il minimise lors de l’enquête.
Malgré l’avis favorable du médecin de la Sûreté du Québec, qui confirme son aptitude à exercer les fonctions de patrouilleur, cette dernière décide de mettre fin à la promesse d’embauche pour rupture de lien de confiance, invoquant un manquement à l’intégrité et aux bonnes mœurs attendues d’un policier.
La décision du Tribunal des droits de la personne
Le tribunal de première instance a conclu que certains aspects du questionnaire pré-embauche posent un problème en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne2 (ci-après «Charte»), notamment des questions trop larges ou mal formulées. Toutefois, il juge également que les questions relatives à l’état neurologique et à la santé mentale du candidat sont légitimes dans le contexte du travail policier. Par conséquent, le plaignant aurait dû divulguer son SGT ainsi que ses consultations psychologiques. Le Tribunal rejette donc la plainte en discrimination concernant le refus d’embauche, estimant que la Sûreté du Québec était justifiée de mettre fin au processus d’embauche, non en raison du handicap lui-même, mais en raison du manque de transparence3.
La décision de la Cour d’appel
La Cour d’appel rejette l’appel de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et confirme la décision rendue par le Tribunal des droits de la personne. La Cour conclut que le refus d’embauche n’était pas discriminatoire, mais plutôt justifié par les fausses déclarations du plaignant au cours du processus de recrutement.
Se rangeant derrière l’opinion du Tribunal des droits de la personne, la Cour d’appel est parvenue aux mêmes conclusions au sujet de la justification des questions portant sur l’état neurologique et la santé mentale. Le travail policier implique effectivement des responsabilités importantes en matière de sécurité, de stabilité émotionnelle et de jugement.
La Cour retient également que le plaignant, ayant volontairement omis de divulguer qu’il souffrait du SGT, avait connaissance du caractère sensible et préoccupant de sa condition, notamment parce qu’elle avait été soulevée lors de démarches d’emploi antérieures. Sa décision de dissimuler délibérément et volontairement cette information vicie le lien de confiance nécessaire à la fonction policière.
Conclusion
Cette affaire illustre à merveille l’équilibre délicat entre le droit à la vie privée et l’obligation de divulgation en contexte d’embauche.
Il est primordial de retenir qu’un employeur peut être justifié de poser certaines questions sur l’état de santé d’un candidat si celles-ci sont directement liées aux qualités requises pour le poste. À cet effet, le candidat a une obligation de bonne foi et de transparence pendant le processus d’embauche.
Si le candidat fait de fausses déclarations ou omet de divulguer des informations pertinentes en lien avec le poste, comme dans le cas à l’étude, l’employeur est justifié de refuser l’embauche à ce dernier, en raison du bris de confiance entre les parties.
En somme, le droit à la non-discrimination protégé par la Charte ne protège pas pour autant un candidat contre les conséquences de son propre manque de transparence, surtout lorsque l’intégrité personnelle est au cœur de la fonction convoitée.
Rédigé avec la collaboration de Savannah Lemire, étudiante en droit.
1 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (T.J.R.) c. Procureur général du Québec (Sûreté du Québec), 2022 QCCA 1577.
2 Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12.
3 Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (T.J.R.) c. Procureur général du Québec (Sûreté du Québec), 2020 QCTDP 20.