Les formes d’entreprises – partie 1


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Lorsque l’on désire se lancer en affaires, plusieurs formes juridiques d’entreprises¹ s’offrent à nous, notamment l’entreprise individuelle, les sociétés de personnes (société en nom collectif, en commandite et en participation), la société par actions ainsi que les coopératives. En plus de devoir évaluer laquelle des formes juridiques est la plus appropriée pour lui, l’entrepreneur qui désire constituer une société par actions devra également faire un choix entre le régime provincial ou fédéral.

Chaque forme d’entreprise possède ses propres caractéristiques, ses avantages et ses inconvénients. Par ailleurs, il est pertinent de souligner que certaines formes conviennent davantage à certains types d’entreprises. Avant de se lancer en affaires, il est donc impératif pour un entrepreneur de choisir la structure juridique la mieux adaptée à ses besoins. Plusieurs facteurs devront être pris en considération avant de faire un choix arrêté tels que les ressources financières disponibles pour le projet en vue, la présence ou l’absence de partenaires ainsi que la taille souhaitée de l’entreprise. Plusieurs formes d’entreprises peuvent être adaptées aux petites entreprises, mais chacune d’elles offre des avantages et inconvénients qu’il faut soupeser selon les circonstances. C’est ainsi qu’un entrepreneur pourra entre autres opter pour une entreprise individuelle ou une société par actions, selon ses besoins et ses projets. Il est par ailleurs important de garder à l’esprit que les formes d’entreprises dites adaptées aux plus grandes entreprises ne sont pas exclusivement réservées à ces dernières. C’est ainsi qu’un entrepreneur seul pourrait choisir d’exploiter son entreprise selon le régime des sociétés par actions. Dans certaines circonstances, il peut même s’avérer judicieux de modifier en cours de route la structure juridique, notamment lorsque l’entreprise fait face à de nouveaux défis.

Dans cette série de publications en trois volets expliquant de façon générale le droit en vigueur au Québec, nous analyserons les différentes formes juridiques d’entreprises qu’il est possible d’adopter pour un entrepreneur désirant faire des affaires au Québec. En premier lieu, nous traiterons de l’entreprise individuelle et de la société par actions. Dans une publication subséquente, nous expliquerons les grandes lignes de la société en nom collectif, de la société en commandite ainsi que de la société en participation. Dans une dernière publication, nous analyserons l’association et la coopérative.

L’entreprise individuelle

L’entreprise individuelle est la structure qui permet à un entrepreneur de se lancer en affaires le plus simplement possible puisqu’elle ne requiert pas, sinon très peu, de formalités. Une entreprise individuelle est, tel que l’indique son nom, une entreprise exploitée par une seule personne dite « travailleur autonome », ou, dans le langage courant, par une personne qui « travaille à son compte ». L’entreprise individuelle est une forme d’entreprise qui peut répondre aux besoins d’un entrepreneur ayant un plan d’affaires simple et des besoins juridiques minimes.

Quelques avantages :

  • Simple et peu coûteuse à mettre sur pied et à faire fonctionner;
  • Sauf exceptions, en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises² , si l’entreprise porte le nom de famille et le prénom de l’entrepreneur, elle n’a pas à produire une déclaration d’immatriculation auprès du Registraire des entreprises du Québec et n’est donc pas tenue de compléter les formalités requises découlant de l’immatriculation;
  • L’entrepreneur est le seul qui prend les décisions, ce qui simplifie considérablement le processus décisionnel et administratif;
  • Tous les profits que l’entreprise réalise appartiennent exclusivement au propriétaire; il n’y a pas de partage avec d’autres partenaires;
  • Sauf exceptions, lorsque l’entreprise génère des revenus inférieurs à 30 000,00$ par année pour ses ventes et ses services, l’entrepreneur n’a pas à s’inscrire aux fichiers des autorités fiscales relativement aux taxes de vente (TPS et TVQ);
  • Puisque les revenus de l’entreprise sont considérés comme les revenus personnels de l’entrepreneur, ce dernier peut bénéficier de crédits d’impôts réservés aux particuliers et peut ajouter les dépenses d’exploitation de l’entreprise à sa déclaration de revenus afin de réduire l’impôt qu’il sera tenu de payer à titre personnel;
  • Fin de l’entreprise au décès du propriétaire.

Quelques désavantages :

  • Le patrimoine de l’entreprise est confondu avec celui du travailleur. En d’autres termes, l’entrepreneur est tenu personnellement au paiement des dettes de l’entreprise;
  • Une faillite par l’entreprise entraînera nécessairement la faillite de l’entrepreneur puisque, tel que mentionné ci-dessus, leur patrimoine est confondu. Ainsi, les créanciers pourront réclamer tant les biens de l’un que de l’autre;
  • Puisque le travailleur autonome est soumis à l’impôt applicable aux particuliers, si l’entreprise génère des revenus importants, l’imposition s’effectuera à un taux plus élevé que celui réservé aux sociétés par actions;
  • La responsabilité juridique de l’entreprise est confondue avec celle de l’entrepreneur. Ainsi, ce dernier sera tenu personnellement responsable pour les actes commis dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise;
  • La possibilité de financement est limitée, entre autres parce que les institutions financières sont moins enclines à accorder des prêts à des entreprises individuelles puisque tout dépend d’une seule personne;
  • Le travailleur ne peut profiter des avantages typiques d’un salarié (par exemple les congés de maladie, les vacances, les assurances, etc.).

Une personne qui prend la décision de démarrer son entreprise par le biais de l’entreprise individuelle pourra toujours s’incorporer afin de devenir une société par actions. Certaines mesures pourront être prises afin de faciliter la transition, tel qu’un roulement fiscal, opération qui permet de transférer les biens de la personne physique à la personne morale tout en réduisant les impacts fiscaux d’un tel transfert.

La société par actions

La société par actions, pouvant être constituée au Québec sous la juridiction fédérale³ ou provinciale4, est souvent le véhicule de choix pour la création d’une entreprise qui a un chiffre d’affaires plus important. Elle est également souvent privilégiée car elle jouit de la personnalité juridique, soit du statut de personne morale. Son patrimoine est donc indépendant de celui de ses actionnaires et de ses administrateurs.

Contrairement à l’entreprise individuelle, qui est intimement et fondamentalement liée à la personne qui l’exploite, la société par actions est indépendante et a ses propres droits et obligations. Elle survit également au décès de ses actionnaires, contrairement à l’entreprise individuelle.

Bien qu’elle soit souvent associée à de grandes entreprises, lesquelles peuvent faire l’objet de transactions sur les marchés boursiers, il s’agit d’une forme juridique également appropriée pour les petites et moyennes entreprises (PME). En effet, non seulement elle offre la possibilité d’être une société ouverte à l’investissement venant des membres du public, mais elle peut aussi être fermée. Dans ce dernier cas, son capital-actions ne pourra être offert qu’à une liste définie de personnes.

Même si ses avantages sont indéniables, elle est plus formaliste, et ce, principalement en raison de la quantité appréciable de dispositions législatives qui la régissent.

Selon son régime d’incorporation, elle devra s’identifier en ajoutant « compagnie », « société par actions », « s.a. », « Limitée », « Limited », « Incorporée », « Incorporated », « Société par actions de régime fédéral », « S.A.R.F. », « Ltée », « Ltd. », « inc. » ou « Corp. » à la fin du nom qu’elle utilise. La fameuse compagnie à numéros (par exemple « 1234-5678 Québec inc. ») est une société par actions à laquelle le Registraire des entreprises du Québec, à la demande des fondateurs, a attribué une désignation numérique pour tenir lieu de nom.

Quelques avantages :

  • Comme pour la société en commandite, les investisseurs initiaux, soit les actionnaires, limitent leurs risques, sauf exceptions, au montant investi dans le capital-actions de la société;
  • Sauf exception, les actionnaires n’étant pas responsables des dettes de la société par actions, leurs biens personnels sont protégés des créanciers de la société (sauf s’ils ont consenti à un cautionnement ou à toute autre garantie);
  • Les administrateurs, quant à eux, jouissent d’une certaine protection dans le cadre de leurs activités de gestion, quoi qu’elle ne soit pas absolue;
  • La constitution d’un conseil d’administration assure une gestion qui priorise les intérêts légitimes et propres de la société;
  • Le caractère permanent de la société (elle survit au décès, à l’incapacité et à la faillite d’un actionnaire);
  • La facilité de transfert des actions;
  • Au provincial, une convention unanime des actionnaires peut permettre de simplifier le fonctionnement interne de la société par actions en permettant notamment d’abolir l’existence d’un conseil d’administration;
  • La personne morale jouit d’avantages fiscaux intéressants. Les taux d’imposition sont généralement plus avantageux que les taux d’imposition des particuliers, et ce, tant au fédéral qu’au provincial. De même, les sociétés par actions ont des déductions qui leur sont réservées et qui ne sont pas accessibles à la personne exploitant une entreprise individuelle;
  • La société par actions jouit de meilleures possibilités de financement, pouvant à la fois offrir des titres intéressants à des investisseurs intéressés et recevant généralement des offres de financement bancaire plus intéressantes que celles adressées aux particuliers;
  • Il est possible pour une société par actions de procéder à un roulement (procédé fiscal permettant à la société par actions, sans conséquence fiscale immédiate, d’acquérir des biens en immobilisation utilisés dans son entreprise en contrepartie d’actions);
  • Une déduction cumulative d’impôts pour des gains en capital est possible dans certaines circonstances, pendant l’exploitation de la société.

Quelques désavantages :

  • La société par actions est la forme de constitution la plus coûteuse et la plus fastidieuse (notamment en raison des frais d’incorporation, d’enregistrement au Registre des entreprises du Québec, de la tenue de livre des minutes et du livre comptable, etc.);
  • Elle nécessite une gestion assidue, car les actionnaires et administrateurs sont tenus par la loi à diverses réunions périodiques;
  • L’accès limité à la Cour des petites créances pour les sociétés de plus de 10 employés;
  • L’obligation de représentation par avocat devant les instances judiciaires;
  • La société par actions étant une personne morale, l’entrepreneur ne bénéficie pas des déductions d’impôts aux particuliers qui s’offrent à lui dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise individuelle;
  • L’exemption de responsabilité des actionnaires et des administrateurs n’est pas absolue, notamment en ce qui a trait à diverses lois fiscales, environnementales, ou au soulèvement du voile corporatif;
  • La fiscalité et la comptabilité sont plus complexes compte tenu qu’il faut préparer des déclarations de revenus distinctes des actionnaires et que la société nécessite sa propre comptabilité (par exemple, la préparation d’états financiers).

En somme, plusieurs possibilités de structures juridiques d’entreprises s’offrent à l’entrepreneur désireux de mener à bien son entreprise, chacune adressant des besoins spécifiques.

Après avoir traité de l’entreprise individuelle et de la société par actions, nous aborderons dans une prochaine publication la société en nom collectif, la société en commandite ainsi que la société en participation. Afin d’être informé de la disponibilité de nos prochaines publications, abonnez-vous à notre infolettre via notre site internet.

Rédigé avec la collaboration de Me Alex Arsenault-Ouellet.

 


¹La forme juridique de l’entreprise est le véhicule juridique utilisé afin d’exploiter l’entreprise et qui a des incidences quant au fonctionnement et à la gestion de cette dernière.
²Loi sur la publicité légale des entreprises, RLRQ, c. P-44.1.
³En vertu de de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), c. C-44;
4En vertu de la Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1.