Négociation : l’aboutissement à un contrat (partie 1)


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Plusieurs litiges peuvent survenir entre les parties lorsque des discussions ou des négociations aboutissent à une entente qui n’est pas suffisamment détaillée. Étant donné que la formation d’un contrat emporte des conséquences juridiques importantes, il est utile de savoir précisément à quel moment se situe la naissance du contrat.

Pour pouvoir déterminer si un contrat est valide, deux dispositions du Code civil du Québec sont essentielles :

« 1378. Le contrat est un accord de volonté, par lequel une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à exécuter une prestation. […]

1385. Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter, à moins que la loi n’exige, en outre, le respect d’une forme particulière comme condition nécessaire à sa formation, ou que les parties n’assujettissent la formation du contrat à une forme solennelle.

Il est aussi de son essence qu’il ait une cause et un objet. »

Ainsi, un contrat peut être verbal ou écrit. Toutefois, cette règle comporte diverses exceptions. En effet, le Code civil du Québec requiert, dans certains cas, des formalités précises afin que le contrat soit valide. Par exemple, l’hypothèque immobilière doit impérativement être constituée par acte notarié en minute1.

De plus, la preuve d’un contrat verbal est beaucoup plus difficile à présenter lorsque la valeur en litige est de plus de 1 500,00 $. La preuve par témoignage est alors soumise à des conditions précises2. De là l’importance de déterminer si les négociations ont réellement abouti à la formation d’un contrat et à quel moment cela s’est produit.

À la lumière de la jurisprudence et de notre droit civil, il est clair qu’une volonté de s’engager entre les parties doit en premier lieu être existante pour qu’il y ait formation d’un contrat. Le point culminant constitue toutefois l’échange de consentement sur tous les aspects essentiels d’une transaction. Par exemple, dans le cas d’une vente, il est généralement connu que tous les éléments essentiels doivent être déterminés (objet, prix, etc.) afin de considérer la vente comme étant complète et finale.

À ce sujet, dans la décision Jolicoeur c. Rainville3, la Cour d’appel explique que :

« [50] Pour qu’un contrat intervienne, il n’est pas nécessaire que tous ses éléments constitutifs aient fait l’objet de déterminations précises et fermes. L’on peut se référer, très souvent, aux dispositions légales ou aux usages supplétifs. On peut également compléter ce qui est sommairement énoncé et qui, sans être délimité par des bornes rigides, peut être accompli naturellement et sans obstacles consensuels. Toutefois, il est impérieux qu’il y ait émergence d’une volonté commune sur tous les éléments essentiels du contrat. Or, en l’espèce, les éléments objectivement essentiels n’ont pas fait l’objet du consentement des parties. En effet, les prestations mutuelles qui forment la contrepartie du contrat ne sont pas encore prévues ou alors – si l’on s’en remet au témoignage de l’appelant – ont fait partie de pourparlers qui ne se sont jamais cristallisés dans une entente. » (Nos soulignements)

Là où la situation se complexifie, c’est lors de la détermination des éléments considérés comme essentiels par opposition à ceux qui ne sont qu’accessoires. Afin de procéder à la distinction entre un véritable contrat et une simple entente précontractuelle, il importe de bien circonscrire le contexte factuel.

En effet, chaque type de contrat requiert des éléments différents avant de pouvoir prendre la forme d’un réel contrat. Cela peut également varier en fonction des circonstances entourant chaque situation.

Par exemple, pour un contrat de travail, les tribunaux québécois ont déterminé que les éléments essentiels sont les conditions de l’emploi, les qualifications requises et les attentes dirigées vers l’employé4.

D’un autre côté, pour un contrat de distribution, la Cour supérieure a énoncé que :

« La  question  du  territoire  visé  par  le  contrat,  sur  trois continents,  ne  saurait  être  vue comme  un élément  secondaire, pas plus que celles des délais  de  livraison, de la publicité, des normes de mise en marché ou des vérifications et expertises susceptibles de s’avérer nécessaires en ce qui a trait à la composition et à la sécurité du produit, pour ne citer que ces exemples.5»

Ces deux exemples illustrent bien à quel point les éléments essentiels peuvent varier et qu’il n’existe pas de liste préétablie qu’il est possible de cocher au fur et à mesure des discussions.

Ainsi, la constatation du consentement de toutes les parties au sujet de chacun des éléments négociés est l’élément primordial à la formation d’un contrat. Mettre le tout par écrit, même au cours des négociations, est le meilleur moyen d’effectuer le suivi de ce qui a été discuté.

Autrement, c’est celui qui prétend que le contrat a été formé qui supporte le fardeau de prouver que chaque élément essentiel du contrat a été discuté et que toutes les parties y ont consenti. Cela peut s’avérer une tâche fastidieuse si les échanges sont peu documentés, surtout que dans certains cas, tel qu’énoncé ci-dessus, la preuve par témoignage peut ne pas être admise.

Il est à noter que si les négociations n’aboutissent finalement pas à une entente, un recours peut tout de même exister contre la personne qui a contrevenu à son obligation de négocier de bonne foi. Nous aborderons ce sujet plus en détail dans une prochaine publication.

Rédigé avec la collaboration de Madame Mariya Andreeva, étudiante en droit.

 


¹Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 2693.
²Id., art. 2862 :
«La preuve d’un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1 500,00 $.
Néanmoins, en l’absence d’une preuve écrite et quelle que soit la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu’il y a commencement de preuve; on peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d’une entreprise.»
³Jolicoeur c. Rainville, 2000, AZ-50068793, par. 50.
4Beainy c. Groupe-conseil FXinnovation inc., 2012 QCCQ 3723, par. 40.
5Import/Export  Borromée inc. c. Distribution Fred I. inc., 1999 CanLII 20498 (QCCS), par. 19.