Droit de passage


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Malgré le fait que le réseau routier du Québec soit développé, il arrive souvent que des terrains ne possèdent aucun accès direct à la voie publique. Les propriétaires de ces lots doivent alors, afin  de pouvoir accéder à leur propriété, passer sur le terrain privé d’un tiers. Cette possibilité d’utiliser le terrain d’un voisin pour circuler se nomme droit de passage.

Il existe différentes sources au droit de passage. Celui-ci peut provenir d’une entente entre les parties, dans lequel cas une servitude réelle peut être créée. Lorsqu’aucune entente n’est possible, un droit de passage peut être créé de par la situation géographique du terrain. On dit alors que le terrain est enclavé.

Servitude réelle

La servitude réelle est un droit d’usage qui intervient entre deux lots de terrain. Une fois publié au registre foncier, ce droit persiste sans incidence sur les changements de propriétaires des lots. Ainsi, si vous bénéficiez d’une servitude réelle de passage et que le propriétaire vend son lot, l’acquéreur ne pourra pas vous empêcher de conserver votre droit.

Lors de la création de la servitude, il est important de définir les conditions d’utilisation du chemin. Lorsqu’aucun chemin n’existe, les parties peuvent convenir d’un dédommagement pour la création du chemin sur le terrain servant et également prévoir la séparation des coûts de construction. Tout chemin étant appelé à se détériorer avec le temps, il est également important de prévoir les coûts d’entretien annuel du chemin.

Il peut parfois être pertinent de prévoir la façon dont le chemin pourra être utilisé. En effet, des limites peuvent être convenues sur la fréquence ainsi que sur les heures de passage. Par exemple, un chemin situé près d’une résidence pourrait faire l’objet d’une entente afin que les véhicules n’y circulent pas le soir. Il est également possible de déterminer quel type de véhicule peut utiliser le chemin. Une voiture ne détériorera pas  un chemin  autant qu’un tracteur de ferme et causera également moins de dommages.

Il est grandement préférable que la servitude réelle, une fois qu’elle est convenue entre les propriétaires, fasse l’objet d’un contrat écrit et que ce contrat soit publié au Registre foncier. Il s’agit de la façon la plus sûre pour que le droit de passage soit  opposable au futur acheteur. Les tribunaux ont par contre déjà autorisé une servitude réelle verbale lorsque la preuve était suffisante.

Lorsque le chemin se trouve dans un territoire protégé par la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles1, il peut s’avérer nécessaire d’obtenir les autorisations appropriées avant d’utiliser le chemin pour des fins récréatives ou autres.

Pour finir, il est important de mentionner que l’usage d’un chemin, sans qu’un droit d’usage n’ait été donné de façon claire, et ce, même si cet usage perdure depuis un grand nombre d’année, ne crée pas une servitude.

Enclave

Lorsqu’aucune entente ne semble probable entre les parties, il est tout de même possible qu’un droit de passage soit créé pour les terrains dits enclavés. Pour qu’un terrain soit enclavé, il faut : «qu’il n’ait aucune issue sur la voie publique, soit que l’issue soit insuffisante, difficile ou impraticable»2. C’est notamment le cas lorsqu’un chemin menant à la voie publique et passant chez le voisin est déjà existant et qu’il serait très couteux ou complexe d’en créer un nouveau qui éviterait le terrain avoisinant.

Lorsqu’un tel droit est accordé par le tribunal, ce dernier doit déterminer quelle compensation sera versée au propriétaire du fond servant. Cette indemnité doit être proportionnelle au dommage réellement subit. Il est également du devoir du propriétaire du fond dominant de veiller à l’entretien du chemin. Malgré cela, lorsque le propriétaire du fond servant utilise également le chemin, le tribunal pourra  réduire l’indemnité à verser ou le devoir d’entretien.

Lorsque les faits et la situation le justifient, il est possible pour le tribunal de convenir de conditions d’utilisation du droit de passage.

Si le droit de passage pouvait être exercé sur deux terrains, la décision du tribunal sera rendue compte tenu de l’état des lieux, de l’avantage et des inconvénients pour le fond servant.

Le droit de passage créé par l’enclave survivra également au changement de propriétaires des lots. Il demeurera tant et aussi longtemps que l’enclave persistera. Ainsi, si un nouveau chemin public venait à être créé à proximité du lot enclavé, il est possible que ce dernier perde son droit de passage.

Conclusion

Comme nous l’avons vu, le propriétaire d’un lot enclavé aura toujours la possibilité d’obtenir un droit de passage afin de pouvoir se rendre à son propre lot. Si les conditions ne peuvent être négociées et convenues entre les parties par la création d’une servitude réelle, le tribunal pourra déclarer le droit de passage par enclave et  déterminer son utilisation. Il ne faut pas également oublier que, comme dans tout problème de voisinage, les parties seront amenées à se côtoyer pour une bonne période de temps. Une entente négociée vaut souvent mieux qu’un jugement imposé. Avant d’accepter de signer une entente, il peut toujours être adéquat de consulter un avocat pour s’informer de ses droits.

Pour plus d’informations concernant le droit immobilier, nous vous invitons à communiquer avec Me Maurice Laplante, lequel se fera un plaisir de répondre à vos questions.

Rédigé par Bernier Fournier.


1Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, RLRQ, c.P-41.1.
2 Code civil du Québec, L.Q. 1991, c.64, art.997.