Cathie Gauthier déboutée par le plus haut tribunal du pays


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Dans une décision à six contre un, rédigée par l’Honorable juge Richard Wagner, la Cour suprême du Canada a confirmé les déclarations de culpabilité de meurtre au premier degré prononcées contre l’accusée, mettant ainsi fin à tout espoir pour celle-ci d’être acquittée. Cathie Gauthier était accusée d’avoir participé avec l’aide de son conjoint au meurtre de leurs trois enfants lors d’un pacte de meurtre-suicide, en fournissant l’arme du crime qui s’avérait être une boisson contenant du Gravol et de l’oxazépam. Des documents incriminants rédigés par l’accusée et son conjoint furent retrouvés sur les lieux et produits en preuve.

L’accusée-appelante reprochait au juge de première instance de ne pas lui avoir permis de présenter au jury la défense d’abandon d’intention. La thèse première de la défense soutenait qu’au moment de rédiger les documents incriminants, l’accusée était dans un état de dissociation qui l’empêchait de formuler l’intention spécifique de commettre les meurtres. Elle prétendait donc qu’elle n’avait pas consciemment participé au crime.  À titre subsidiaire, si cette défense ne devait pas être retenue par le jury, l’accusée prétendait alors qu’elle avait abandonné le projet du pacte meurtre-suicide et qu’elle avait clairement signalé cette intention à son conjoint.

La Cour d’appel a maintenu le verdict de culpabilité et a conclu que le juge de première instance n’avait pas commis d’erreur en ne soumettant pas la défense d’abandon au jury puisque cette défense était incompatible avec la thèse principale qui prétendait que Cathie Gauthier n’avait pas pu formuler l’intention spécifique de tuer ses enfants compte tenu de son état de dissociation.

Cathie Gauthier épuise donc son ultime recours en appelant de cette décision devant la Cour suprême. Cette dernière rejette le pourvoi et maintien le verdict de culpabilité. Les juges majoritaires expriment toutefois des corrections aux questions de droit élaborées par la Cour d’appel.

Le juge Wagner, au nom de la majorité, semble vouloir mettre définitivement un terme à la question de la soumission au jury de défenses incompatibles. La Cour statue qu’il n’y a aucune pertinence à se demander si les moyens de défense sont compatibles; le seul critère à retenir est celui de la vraisemblance. À ce sujet, elle s’exprime en ces termes :

Dans tous les cas, le juge du procès doit vérifier si le moyen de défense subsidiaire a un fondement factuel suffisant, c’est-à-dire si un jury raisonnable ayant reçu des directives appropriées pourrait y adhérer, s’il ajoutait foi à cette preuve.

En bref, des défenses tout à fait incompatibles pourraient être soumises au jury, à la condition qu’elles soient toutes deux vraisemblables, c’est-à-dire qu’elles puissent raisonnablement être acceptées par un jury si les faits étaient tenus pour avérés. En l’espèce, le moyen de défense d’abandon n’était pas vraisemblable selon l’opinion de la majorité de la Cour suprême et il ne s’agissait donc pas d’une erreur de la part du juge du procès de ne pas l’avoir soumis au jury.

Cathie Gauthier soutenait avoir clairement signifié à son conjoint qu’elle ne souhaitait plus participer au pacte de meurtre-suicide. Or, selon la Cour, la personne qui participe à une infraction en accomplissant un acte ou en omettant d’en accomplir un (au sens du paragraphe 21(1) du Code criminel) peut invoquer la défense d’abandon si la preuve permet d’établir quatre éléments :

  1. Il existe une intention d’abandonner le projet criminel ou de s’en désister;
  2. Cet abandon ou ce désistement a été communiqué en temps utile par l’intéressé à ceux qui désirent continuer;
  3. La communication a servi d’avis non équivoque à ceux qui désirent continuer;
  4. L’accusé a pris, proportionnellement à sa participation à la commission du crime projeté, les mesures raisonnables dans les circonstances, soit pour neutraliser ou autrement annuler  les effets de sa participation soit pour empêcher la perpétration de l’infraction.

La Cour explique qu’en l’espèce, les faits ne permettaient pas de rendre cette défense vraisemblable. Même si l’accusée avait véritablement mentionné à son conjoint qu’elle ne voulait plus y participer, son implication était trop vaste pour ne s’en tenir qu’à un simple avis. Ce moyen de défense ne respectait pas le quatrième élément mentionné ci-haut, à savoir les moyens raisonnables pour neutraliser la participation, compte tenu qu’elle avait elle-même fourni l’arme du crime. Elle n’avait ainsi pas pris les moyens nécessaires pour empêcher la perpétration de l’infraction.

L’accusée a tout de même réussi à convaincre le juge Fish de la Cour suprême, dissident, qui lui, aurait ordonné la tenue d’un nouveau procès, puisqu’à son avis, « il appartenait au jury de décider si les propos et la conduite de l’appelante étaient crédibles et suffisants pour établir qu’un avis non équivoque de retrait avait été donné en temps opportun ».

Cathie Gauthier restera donc incarcérée, pour une peine d’emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant vingt-cinq ans pour sa participation au meurtre de ses trois enfants.

 

Me Maxime Lauzière

Avec la précieuse collaboration de François Houle, étudiant en droit

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