Union parentale : Ce que le nouveau régime change pour les familles
En mars 2024, soit onze ans suivant la controverse suscitée par la décision Québec (Procureur général) c. A1, communément connu sous le nom « Éric contre Lola », le ministre de la Justice du Québec a déposé le projet de loi n°56. En effet, cette décision de la Cour suprême faisait ressortir certaines inégalités des conjoints de fait par rapport aux époux, notamment en matière de droits lors de la séparation. L’objectif du projet de loi était clair : instaurer un tout nouveau régime d’union parentale pour assurer une équité entre parents en cas de séparation ou de décès, tout en renforçant la protection des enfants nés hors mariage2.
L’application automatique du régime d’union parentale dès juin 2025
Ce nouveau régime s’applique désormais automatiquement à tous les conjoints de fait résidant au Québec, qui auront un enfant, par naissance ou adoption, à partir du 29 juin 2025, selon les articles 521.20 et suivants du Code civil du Québec. Dès la naissance ou l’adoption, un patrimoine d’union parentale sera créé, comprenant certains biens particuliers appartenant aux conjoints. Certaines mesures, comme la protection de la résidence familiale, ou encore la possibilité de prestation compensatoire, découlent également de ces nouvelles dispositions.
Par ailleurs, les dispositions transitoires prévues à la loi permettent aux conjoints de fait ayant un enfant commun né ou adopté avant l’entrée en vigueur du régime, donc avant le 29 juin 2025, d’y adhérer volontairement3.
Le contenu du patrimoine d’union parentale : un nouveau socle pour la famille
Tel que précédemment établi, l’union parentale entraîne la création d’un patrimoine commun comprenant automatiquement certains biens : la résidence familiale, les meubles destinés au ménage et les véhicules utilisés par la famille. Cependant, tous les biens appartenant à un conjoint mineur ou reçus par don ou succession demeurent dans le patrimoine personnel de chaque conjoint.
Au surplus, nonobstant la création automatique du patrimoine, les conjoints, qu’ils soient soumis au régime volontairement ou non, pourront se soustraire du patrimoine à tout moment suite à sa création, ou encore écarter certains biens qui s’y trouvent. Ils doivent impérativement le faire par acte notarié dans les 90 jours suivant la naissance ou l’adoption de l’enfant. Passé ce délai, le patrimoine automatiquement créé sera considéré comme ayant existé jusqu’à la date de constitution de l’acte notarié et sera porteur d’effets juridiques. En d’autres termes, si l’exclusion est faite dans les 90 jours, c’est comme si le patrimoine n’avait jamais été créé.
La fin de l’union parentale : comment se partage le patrimoine
Ce régime peut être amené à prendre fin dans plusieurs circonstances : lors de la cessation de la vie commune, du décès de l’un des conjoints, ou lors de la célébration d’un mariage ou d’une union civile, que ce soit entre les conjoints eux-même, ou avec une autre personne. À ce moment, la valeur nette du patrimoine, c’est-à-dire après déduction des dettes engagées pour acquérir et entretenir les biens qui le composent, sera répartie équitablement entre les conjoints4. La possibilité de demander une prestation compensatoire afin de compenser sa contribution à l’enrichissement de l’autre parent est également possible, sous certaines conditions.
Conclusion: Différences entre régime d’union parentale et régime matrimonial
Il est à noter que le patrimoine d’union parentale vise avant tout à protéger l’environnement de l’enfant issu de l’union et non celui de la famille. En effet, une des différences fondamentales entre le régime d’union parentale et le régime matrimonial de la société d’acquêts (soit celui étant constitué par défaut lors du mariage) se manifeste entre autres au moment du partage des biens. En effet, une protection particulière est attribuée aux finances individuelles des conjoints de fait, contrairement à celles des époux. En ce sens, les personnes mariées verront leurs placements, leurs dettes et l’argent accumulé pendant le mariage partagés au moment du divorce, tandis que ce partage ne se fait pas de manière systématique en vertu de l’union parentale5. Le droit à une pension alimentaire pour l’ex-conjoint est également propre au régime de la société acquêts6, permettant à l’un des époux d’obtenir des fonds de l’autre afin de l’aider à subvenir à ses propres besoins. En bref, le mariage prévoit la mise en commun de davantage d’avoirs que l’union parentale. Par ce fait, le législateur souhaitait que les conjoints ne désirant pas se marier n’en subissent pas néanmoins l’ensemble des conséquences juridiques.
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Rédigé avec la collaboration de Savannah Lemire, étudiante en droit.
1 Québec (Procureur général) c. A, 2013 CSC 5.
2 Québec, Ministère de la Justice, Protection des enfants naissant hors mariage : nouveau jalon de la réforme du droit de la famille, 11 mars 2024, en ligne : <https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/protection-des-enfants-naissant-hors-mariage-nouveau-jalon-de-la-reforme-du-droit-de-la-famille-54667>.
3 Loi instituant l’union parentale et modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en matière de filiation et de droit de la famille, LQ 2024, c.22.
4 Éric LAVOIE, « L’Union parentale – Projet de loi no. 56 – Loi portant sur la réforme du droit de la famille et instituant le régime d’union parentale » dans Colloques et Symposiums, Colloque n° 326 sur les incidences légales et fiscales du mariage et du nouveau régime d’union parentale, Montréal (QC), Association de planification fiscale et financière, 2024.
5 Art. 415, C.C.Q.
6 Art. 453, C.C.Q.