Droit du travail – Salarié vs travailleur autonome : Le critère du degré de subordination effective


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Dans notre dernière publication, nous avons discuté de l’importance pour une entreprise de bien qualifier juridiquement le statut des personnes qui y travaillent. Nous avons également mentionné différents critères développés par les tribunaux au fil des ans pour y parvenir, à savoir :

Dans la présente publication, nous aborderons le critère du degré de subordination effective, soit la caractéristique la plus importante du contrat de travail1.

En effet, l’article 2085 du Code civil du Québec prévoit que « [l]e contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur. »

Ainsi, le « salarié » est celui qui travaille sous la direction ou le contrôle d’un employeur, et ce, contrairement au travailleur autonome, qui possède une grande autonomie quant aux modalités d’exécution du contrat. D’ailleurs, ce dernier peut faire effectuer certaines tâches par des tiers, alors que le salarié est tenu d’exécuter personnellement le travail convenu.

Il ne faut toutefois pas oublier que l’existence d’un lien de subordination est une question de faits qui repose sur différents éléments, par exemple, la présence obligatoire sur un lieu de travail, l’affectation régulière au travail, l’imposition de règles de conduite ou de comportement ainsi que le contrôle de la qualité de la prestation2.

Les tribunaux portent également une attention très particulière sur le contrôle dans l’exécution du travail, l’exécution personnelle du contrat, l’horaire de travail, le lieu de travail et les conditions d’engagement et de fin de contrat3. À cet égard, il peut être utile de se poser notamment les questions suivantes afin de déterminer la présence d’un rapport d’autorité4 :

  • Le prestataire peut-il, dans l’exécution de ses fonctions, par sa faute, erreur, ou négligence, entraîner la responsabilité de celui qui le paie?
  • Le prestataire doit-il aviser le donneur d’ouvrage en cas d’absence pour vacances ou cause de maladie?
  • Y-a-t-il une obligation de rendement et de production imposée au prestataire par le donneur d’ouvrage?
  • Le prestataire peut-il faire l’objet de mesures disciplinaires?
  • Y-a-t-il une subordination économique?

Ainsi, si la réponse à la majorité de ces questions est « oui », il est probable qu’il existe une relation employeur-salarié entre les parties.

Par exemple, la Cour supérieure a déterminé qu’une personne qui décidait elle-même de son horaire de travail, de la façon de faire sa recherche de clients, qui fixait avec ses clients ses heures de rendez-vous et qui déterminait ses propres objectifs était un travailleur autonome5. À l’inverse, dans le cas d’une personne qui avait un horaire de travail à respecter, des feuilles d’inventaire à compléter, des règles de conduite imposées et qui recevait des ordres de son supérieur, la Cour du Québec a déterminé qu’il s’agissait d’un salarié6.

Il est important de noter que le contrôle peut être celui d’une surveillance immédiate et quotidienne sur la façon d’exécuter le travail, mais peut aussi comporter beaucoup de latitude et être adapté à la nature spéciale du travail à accomplir7. En effet, le type de contrôle exercé en pratique par l’employeur peut changer en fonction du degré de spécialisation ou de savoir requis par le salarié et du niveau hiérarchique de l’emploi8.

Bref, l’examen de chaque situation reste individuel et l’analyse doit être faite dans une perspective globale9. De façon générale, lorsque le travailleur est assujetti à un contrôle et une supervision dans l’exécution de son travail, la relation juridique unissant les parties s’apparentera à celle d’un employeur-salarié.

Dans une prochaine publication, nous verrons plus en détail un deuxième critère permettant aux tribunaux de qualifier juridiquement le statut d’un travailleur, soit le critère économique.

 


1Cabiakman c. Industrielle-Alliance Cie d’Assurance sur la Vie, [2004] 3 RCS 195, 2004 CSC 55 (CanLII), par. 28, citée dans Bureau d’études Archer inc. c. Dessureault, 2006 QCCA 1556, par. 27.
2Robert P. GAGNON, Le droit du travail du Québec, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 66 et s.
3Pelletier c. Nantel, 2015 QCCQ 6708, par. 40.
4Commission des normes du travail c. Combined Insurance Company of America, 2008 QCCQ 7107, par. 34.
59095-3532 Québec inc. (La Capitale Saguenay—Lac-St-Jean) c. Daigle, 2010 QCCS 6066.
6Commission des normes du travail c. Blouin, 2008 QCCQ 12283.
7Corbeil c. 9177-6872 Québec inc., 2011 QCCRT 115.
8Rivest c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2005 CanLII 46480 (QC CQ).
9Paquin c. Services financiers Groupe Investors inc., 2012 QCCA 37; Dicom Express inc. c. Paiement, 2009 QCCA 611, par. 17.