La clause pénale : dommages anticipés ou amende ? – Partie 1


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De nos jours, il est d’usage courant d’insérer des clauses de non-concurrence dans un contexte de vente d’entreprise. De la même façon, de pareilles clauses peuvent aussi être intégrées dans les contrats de travail, et ce, que ce soit au moment de la conclusion initiale du lien contractuel ou encore en cours d’emploi, dans le cadre d’un avenant ou d’une modification substantielle aux conditions de travail.

Dans ce cas particulier, il faudra toutefois être prudent. Comme nous l’avons souligné dans une précédente publication, plusieurs aspects¹ doivent être pris en compte lors de la rédaction de clauses de non-concurrence afin que celles-ci puissent rencontrer leur objectif principal, à savoir assurer la protection du cocontractant qui les stipule. En effet, les clauses de non-concurrence considérées comme étant excessives ou déraisonnables seront purement et simplement corrigées à l’encre rouge, c’est-à-dire invalidées, et non rétablies ou modifiées selon des normes de raisonnabilité, par le tribunal qui les analyse.

La clause pénale : Un outil pour assurer le respect des obligations contractuelles

Pour assurer le respect effectif de telles clauses, nombreux sont les acheteurs d’entreprise ou les employeurs qui prévoient dans leurs contrats l’application d’une clause pénale, laquelle s’appliquera en cas de violation d’une obligation contractuelle précise par leurs cocontractants. Il est important de souligner qu’une clause pénale peut être insérée dans tout type de contrat, et n’est donc pas exclusive aux contextes de vente d’entreprise ou de cessation de lien d’emploi. Elle constitue un mécanisme de dissuasion, mais également un outil de sécurisation juridique.

Tel que définie par l’article 1622 du Code civil du Québec, « la clause pénale est celle par laquelle les parties évaluent par anticipation les dommages-intérêts en stipulant que le débiteur se soumettra à une peine au cas où il n’exécute pas son obligation ». Le grand avantage de ce type de clause est que « le créancier qui se prévaut de la clause pénale a droit au montant de la peine stipulée sans avoir à prouver le préjudice qu’il a subi »². Ce mécanisme permet donc d’éviter des débats longs et coûteux sur la démonstration du dommage réel, ce qui est particulièrement utile dans les litiges contractuels où le préjudice est difficile à quantifier précisément.

L’existence d’un préjudice : Une condition essentielle à l’application de la clause pénale

Cependant, la clause pénale ne saurait être appliquée de façon automatique ou arbitraire. En effet, l’existence d’un préjudice réel demeure une condition essentielle à son application. En effet, comme la Cour d’appel l’a confirmé dans l’arrêt Gestess Plus (9088-0964 Québec inc.) c. Harvey, bien que le créancier n’ait pas à prouver son préjudice, il est possible pour le débiteur de contester la survenance de celui-ci et d’éviter par le fait même l’application de la clause pénale³. Si toutefois une telle contestation n’est pas possible, le débiteur pourra tenter de démontrer que la peine stipulée dans la clause pénale est trop élevée et qu’elle n’est pas proportionnelle au préjudice. Le fardeau de la preuve lui incombera alors⁴.

Attention à ne pas assimiler la clause pénale à une amende!

Finalement, il appert pertinent de rappeler qu’il faut aussi être vigilant lors de la rédaction d’une clause pénale afin que celle-ci ne soit pas interprétée comme étant équivalente à une « amende conventionnelle ». Nous traitons de ce sujet à l’occasion d’une autre publication qui illustre les répercussions d’une telle conclusion.

 

1Code civil du Québec, art. 2089.
2 Id., art. 1623, al.1.
3Gestess Plus (9088-0964 Québec inc.) c. Harvey, 2008 QCCA 314, par. 20.
4C.c.Q., art. 1623, al.2.