Les troubles de voisinage : les arbres


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Il existe plusieurs mythes populaires entourant les troubles de voisinage quant aux droits et obligations de chacun. C’est notamment le cas de celui entourant la coupe des arbres, de ses branches, de ses racines ou des fruits qui en proviennent lorsqu’ils nuisent aux voisins.

À cet égard, il est primordial de bien connaître les règles qui régissent ce domaine avant d’entreprendre des travaux ayant pour objet la coupe d’un arbre, des branches ou des racines se trouvant sur la propriété d’un voisin. C’est le Code civil du Québec (ci-après nommé le « C.c.Q. ») qui établit les règles applicables relativement à ce genre de situation.

La coupe des branches et des racines

L’article 985 C.c.Q. prévoit ce qui suit en matière de coupe de branches et de racines d’arbres :

« Le propriétaire peut, si des branches ou des racines venant du fonds voisin s’avancent sur son fonds et nuisent sérieusement à son usage, demander à son voisin de les couper; en cas de refus, il peut le contraindre à les couper.

Il peut aussi, si un arbre du fonds voisin menace de tomber sur son fonds, contraindre son voisin à abattre l’arbre ou à le redresser. »

Selon l’interprétation que divers auteurs ont donnée à cet article de loi et qui a été confirmée par les tribunaux à maintes reprises, un propriétaire d’un terrain ne peut, de son propre chef, couper les branches ou les racines des arbres de son voisin qui empiètent sur son terrain. Pour exiger d’un voisin qu’il procède à la coupe des branches ou des racines de ses arbres, ces dernières doivent constituer une nuisance sérieuse pour le propriétaire et non une simple nuisance hypothétique¹.

Lorsqu’un voisin refuse de couper les branches ou les racines de ses arbres sur simple demande, le propriétaire qui subit une nuisance sérieuse peut le contraindre à les couper par le biais d’une mise en demeure. Celle-ci aura comme objectif d’exiger du voisin qu’il procède à l’émondage de ses arbres dans un délai imparti. À défaut de respecter les conditions énoncées par la mise en demeure, des procédures judiciaires pourront être prises contre lui afin de le forcer à agir par le biais d’une ordonnance rendue par la Cour.

Il est important de noter qu’il est interdit pour un propriétaire qui est gêné par les branches ou les racines des arbres d’un voisin de se faire justice en procédant à leur coupe. Dans un tel cas, cette personne s’expose à une poursuite en dommages et intérêts par le propriétaire de l’arbre endommagé. De plus, les tribunaux n’hésitent pas à rappeler l’obligation de protéger les arbres² et sont donc moins conciliants envers les personnes qui outrepassent cette obligation.

Lorsque le délai accordé par la mise en demeure est expiré et qu’aucune mesure n’a été prise par le voisin fautif pour corriger la situation, le propriétaire pourra retenir les services d’un avocat afin d’entamer des procédures judiciaires contre le propriétaire dont les arbres causent la nuisance dans le but d’obtenir une ordonnance enjoignant la coupe des branches ou des racines d’arbres qui empiètent sur son terrain.

La coupe des arbres

S’il y a des risques qu’un arbre tombe sur un terrain voisin, il est possible de contraindre le propriétaire de l’arbre dangereux à l’abattre ou à le redresser³. Cependant, si l’arbre est en parfaite santé et ne nuit à aucun terrain adjacent, il n’est en aucun cas autorisé à un voisin de procéder de son propre chef à sa coupe, sans quoi, il pourra être tenu de verser des dommages-intérêts au propriétaire de l’arbre.

Toutefois, l’article 986 C.c.Q. prévoit qu’en matière agricole, un propriétaire foncier peut contraindre son voisin à abattre les arbres qui se situent sur la ligne séparative des fonds sur une largeur d’au plus cinq (5) mètres et qui nuisent à l’exploitation des terres agricoles. Il est à noter que les arbres des vergers, des érablières ou ceux qui servent à l’embellissement de la propriété ne sont pas visés par cet article.

Les fruits qui proviennent de l’arbre

Des règles particulières s’appliquent relativement à la propriété des fruits qui proviennent des arbres fruitiers lorsque ceux-ci empiètent sur un terrain voisin. À titre d’exemple, si les pommes des pommiers tombent sur un terrain adjacent, l’article 984 C.c.Q. prévoit que le propriétaire de l’arbre reste propriétaire des fruits qui en proviennent4.

Conclusion

En somme, les dispositions du Code civil du Québec ont pour but de prévenir les litiges susceptibles de naître entre voisins et d’harmoniser les relations entre ceux-ci. Dans le cas où une entente n’est pas possible avec votre voisin quant à l’entretien d’un arbre dérangeant, nuisible ou même dangereux, il est important de noter que votre responsabilité civile pourrait être encourue si vous prenez l’initiative de régler la situation par vous-même.

Nous vous conseillons d’ailleurs, advenant la survenance d’une telle situation, de communiquer avec un avocat qui saura vous conseiller judicieusement sur vos droits et obligations.

Rédigé avec la précieuse collaboration d’Andrea Houle-Selby, étudiante en droit.

 


¹Pierre-Claude Lafond, Précis de droit des biens, 2e éd., Montréal, Éditions Thémis, p. 351.
²Voir notamment : Iny c. Delisle, 2014 QCCQ 13522, par 16; Capital Canuck Inc. c. Calrendon (Municipalité), 2011 QCCQ 1408, par. 14 et 15; Bédard c. Bouchard, 2014 QCCQ 11091, par. 11 à 17.
³Art. 985, al. 2 C.c.Q.
4Sylvio Normand, Introduction au droit des biens, 1re éd. Montréal, Wilson & Lafleur, p. 107.