Accès à l’information : images captées par des caméras de surveillance


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Par le biais de l’accès à l’information, est-il possible d’avoir accès aux images captées par des caméras de surveillance dans un lieu public ?

À l’ère de la technologie, il est de plus en plus fréquent de se poser des questions relatives à la divulgation et au partage de nos informations.

Récemment, à l’occasion de la décision Whaley c. Université du Québec à Trois-Rivières1, la Commission d’accès à l’information du Québec (ci-après la « Commission ») s’est prononcée sur le droit d’un demandeur, lequel désirait obtenir une copie de la vidéosurveillance à l’entrée d’un bar étudiant de l’université lors de deux évènements distincts.

Faits

Le demandeur en question est un étudiant de l’Université du Québec à Trois-Rivières (ci-après « UQTR »). Suite à des altercations alléguées le concernant à l’entrée du bar étudiant de la même université, le demandeur se voit restreint l’entrée à celui-ci. Subséquemment, le demandeur présente une demande d’accès à l’information auprès de l’UQTR afin d’obtenir une copie des images captées par les caméras à l’entrée du bar.

Les images captées exposent le demandeur, en plus d’exposer des tiers, tels que la clientèle du bar, des intervenants de sécurité et des passants.

En réponse à cette demande d’accès à l’information, l’UQTR refuse la communication au motif que les vidéos permettent d’identifier des tiers et que la divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à ces personnes. Ainsi, le litige ne porte pas sur la qualification des renseignements personnels, qui le sont clairement puisqu’on y voit des visages et des faits et gestes de personnes physiques2.

Insatisfait de ce refus, le demandeur présente une demande de révision auprès de la Commission.

Décision de la Commission d’accès à l’information

Dans le cadre de l’analyse d’une demande d’accès à l’information, une distinction est fort importante. En effet, le régime juridique applicable diffère selon que les informations demandées comprennent des images du demandeur et de tiers ou bien seulement de tiers. L’UQTR ayant relevé cette distinction, la Commission estime qu’elle a rempli ses obligations.

Plus précisément, lorsque le demandeur n’apparaît pas sur les images captées, donc lorsque seulement des tiers se retrouvent sur les enregistrements, il ne peut légalement en obtenir une copie, conformément à l’article 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels3.

A contrario, et c’est ce qui est en litige en l’espèce, lorsque le demandeur apparaît sur les images captées, mais avec d’autres personnes, c’est l’article 88 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels qui trouve application. Cette disposition prévoit qu’un organisme public doit refuser la communication lorsque la divulgation révélerait vraisemblablement un renseignement personnel d’une autre personne physique et que la divulgation serait susceptible de nuire sérieusement à cette autre personne.

Il y a donc ici deux éléments qui doivent être démontrés par l’UQTR :

–        Que les renseignements révèlent des renseignements concernant des tiers et

–        que la divulgation est susceptible de nuire de façon sérieuse à ce tiers.

Quant à la révélation de renseignements personnels concernant des tiers, la Commission s’est axée sur  l’expression « révéler ». En fait, elle reprend la décision S.V. c. Commission de la santé et de la sécurité au travail4, en mentionnant que le terme « révéler » implique que les renseignements demandés soient inconnus du demandeur5. Or, certains des extraits en l’espèce n’apprennent rien au demandeur qui était présent sur les lieux. Ces extraits devraient donc, aux yeux de la Commission, être accessibles au demandeur.

Relativement à la nuisance sérieuse, la Commission est d’avis qu’il n’y a pas de preuve à cet effet et que les extraits ne permettent pas d’appréhender un risque sérieux. L’observation de gestes plus ou moins glorieux, qui pourrait embarrasser certaines personnes, n’est pas suffisante afin de permettre de conclure à une nuisance sérieuse.

Conclusion

Considérant tous les éléments précédemment mentionnés, la Commission ordonne à l’UQTR de transmettre au demandeur une copie des images captées dans lesquelles il apparaît. De ces images, devront être retranchées toutes les scènes présentant exclusivement des tiers.

Par ailleurs, bien que la Commission n’ait pas à se prononcer sur ce point, elle a pris soin de souligner que l’utilisation potentielle des images, la légalité de l’utilisation et de leur publicité dans l’espace public relève plutôt du domaine de la responsabilité civile.

Le droit d’accès à l’information est un droit indépendant à l’utilisation qui pourrait être fait des renseignements obtenus.

Rédigé avec la collaboration de Madame Émilie Higgins, étudiante en droit. 

 

1 Whaley c. Université du Québec à Trois-Rivières, 2021 QCCAI 27.
2 Id, par. 19.
3 Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, L.R.Q., c. A-2.1.
4 S.V. c. Commission de la santé et de la sécurité au travail, 2015 QCCAI 288.
5 Id., par. 21.