Loi 96 et langue française : votre PME est-elle conforme?


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En juin 2025, le Québec soulignera le troisième anniversaire de l’adoption de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec (ci-après «Loi 96»). À compter du 1er juin 2025, plusieurs nouvelles mesures de la Loi 96 entreront en vigueur afin de renforcer le français dans tous les secteurs de la société québécoise et celles-ci auront une incidence significative sur l’activité commerciale des entreprises. Le présent texte présentera les nouvelles exigences linguistiques auxquelles les entreprises devront se conformer afin d’éviter toute sanction prévue par la loi, notamment quant à l’utilisation des marques de commerce ainsi qu’au processus de francisation pour les entreprises de 25 employés et plus.

LE PROCESSUS DE FRANCISATION

Actuellement, au Québec, toute entreprise qui emploie 50 personnes ou plus pendant au moins six mois doit s’inscrire à l’Office québécois de la langue française (l’« Office ») dans les six mois suivant la fin de cette première période de six mois. À compter du 1er juin 2025, cette obligation entrera également en vigueur pour les entreprises qui emploient 25 personnes et plus.1

Lorsqu’une entreprise s’inscrit auprès de l’Office, dans les trois mois suivants la date de délivrance de l’attestation d’inscription, elle devra procéder à une analyse de sa situation linguistique quant à l’utilisation du français dans le cadre de son fonctionnement général et ses communications internes et externes en transmettant les renseignements pertinents à l’Office.2

Suivant la réception du Formulaire de l’analyse de la situation linguistique, l’Office évaluera si l’utilisation du français est généralisée à tous les niveaux de l’entreprise à l’aide des critères prévus par l’art. 141 de la Charte de la langue française (ci-après « Charte »). Elle pourra rendre deux décisions, soit délivrer à l’entreprise un certificat de francisation si elle est conforme, soit l’aviser qu’elle doit élaborer et adopter un programme de francisation dans le cas contraire.3 Si l’entreprise applique bien le programme de francisation approuvé par l’Office et que le français est généralisé à tous les niveaux, l’Office pourra lui délivrer le certificat de francisation.

UTILISATION DES MARQUES DE COMMERCE

Au delà du processus de francisation de nouvelles exigences linguistiques seront en vigueur quant à l’utilisation que les entreprises font de leur marque de commerce dans l’affichage public et l’inscription sur les produits. Ces nouvelles mesures auront surtout un impact sur les entreprises qui utilisent une marque de commerce « reconnue », au sens de la Loi sur les marques de commerce, rédigée dans une autre langue que le français. Par marque de commerce « reconnue », la réglementation réfère aux marques qui sont enregistrées ou non au registre des marques de commerce tenu par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (ci-après l’ « OPIC »).4

L’inscription sur les produits

Concernant l’inscription sur les produits, la règle générale édictée par la Charte de la langue française (ci-après « Charte ») prévoit que « toute inscription sur un produit, sur son contenant ou sur son emballage, sur un document ou objet accompagnant ce produit doit être rédigée en français ».5 La Charte prévoit également la possibilité d’assortir le texte français d’une ou plusieurs inscriptions dans une autre langue sans que celles-ci l’emportent sur le français.6

Conformément aux nouvelles mesures qui verront le jour le 1er juin 2025, il sera possible pour les entreprises de faire apparaître sur leurs produits une marque de commerce « reconnue » rédigée dans une autre langue que le français. Cependant, cette exception ne s’appliquera pas si une version correspondante en français de la marque de commerce se retrouve au registre de l’OPIC. De plus, si un « descriptif » ou « un générique » est visible sur la marque de commerce, c’est-à-dire une mention décrivant les caractéristiques ou la nature d’un produit, les nouvelles mesures prévoient qu’une traduction de celui-ci en français devra figurer sur les produits ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente.7 

Le gouvernement du Québec accorde un délai de grâce à certaines entreprises, en leur octroyant jusqu’au 1er juin 2027 pour vendre ou distribuer leurs produits non conformes à la nouvelle réglementation. Pour bénéficier de ce délai, les produits doivent répondre à l’une ou l’autre des conditions suivantes :

  • Avoir été fabriqués avant le 1er juin 2025, pourvu qu’en date du 26 juin 2024, aucune version française de leur marque de commerce reconnue au sens de la Loi sur les marques de commerce8 n’ait été déposée ;
  • Avoir été fabriqués entre le 1er juin 2025 et le 31 décembre 2025, pourvu qu’ils soient visés par les nouvelles normes relatives à l’étiquetage prévues par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (symboles nutritionnels, autres dis positions d’étiquetage, vitamine D et graisses ou huiles hydrogénées)9 ou par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement sur le cannabis(aliments supplémentés)10.

En bref, vous pourriez bénéficier d’un délai de grâce, pour autant que vous respectez les conditions strictement définies dans la législation.

L’affichage public

Selon la Charte, tout comme pour l’inscription sur les produits, la règle générale est que « l’affichage public et la publicité commerciale doivent se faire en français ».11 Cependant, elle prévoit également la possibilité que l’affichage et la publicité puissent être faits à la fois en français et dans une autre langue, pourvu que le français y figure de façon prédominante.12

Toujours à compter de juin 2025, de nouvelles mesures s’appliqueront quant à l’utilisation des marques de commerce rédigées dans une autre langue que le français, dans l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local. En effet, si aucune version française de la marque de commerce n’est déposée au registre de l’OPIC, une telle marque pourra être apposée dans l’affichage public si celui-ci comporte une nette prédominance du français.13 Cette nette prédominance du français sera évaluée en fonction de l’importance de l’impact visuel du texte rédigé en français par rapport à celle de l’impact visuel du texte rédigé dans une autre langue. Afin de respecter ce dernier critère, deux conditions devront être remplies pour un même champ visuel :

1) l’espace total consacré au français visible de l’extérieur du commerce est au moins deux (2) fois plus grand que celui alloué à la marque dans une autre langue et;

2) la lisibilité et la visibilité permanente du texte en français sont au moins équivalentes à celle du texte rédigé dans une autre langue.14

À RETENIR

En résumé, toute entreprise employant 25 personnes ou plus devra respecter les règles en matière d’affichage public et obtenir en temps opportun un certificat de francisation auprès de l’Office. Au surplus, les entreprises utilisant une marque de commerce rédigée dans une langue autre que le français devront revoir l’emballage de leurs produits afin de se conformer aux nouvelles exigences de la Loi 96.

Pour toute question concernant la conformité à la Loi 96, l’équipe de Bernier Fournier reste à votre disposition. Notre cabinet possède l’expertise et les ressources nécessaires pour vous accompagner efficacement dans votre processus de francisation.

 

Rédigé avec la collaboration de Marc-André Fournier, stagiaire en droit

1 Charte de la langue française, RLRQ, c. C-11, art. 139, al.1.
2 Id., art. 139, al. 3.
3 Id., art. 140 et 141.
4 Règlement modifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires, (2024) 156 G.O. II 4364.
5 Charte de la langue française, préc., note 1, art. 51, al. 1.
6 Id., art. 51, al. 2.
7 Id., art. 51.1; Règlement sur la langue de commerce et des affaires, RLRQ, c. C-11, r. 9, art. 27.2.
8 Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, c. T-13.
9 Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (symboles nutritionnels, autres dis positions d’étiquetage, vitamine D et graisses ou huiles hydrogénées), DORS/2022-168.
10 Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement sur le cannabis(aliments supplémentés), DORS/2022-169.
11 Charte de la langue française, préc., note 1, art. 58, al.1.
12 Id., art. 58, al. 2.
13 Id., art. 58.1, al. 2.
14 Règlement sur la langue de commerce et des affaires, préc., note 7, art. 27.4 à 27.6.