La promesse d’achat assortie d’une clause de financement
Il n’est pas rare, surtout dans les transactions immobilières, d’assortir une promesse d’achat de certaines conditions. L’une des plus fréquentes est sans doute celle d’obtenir le financement nécessaire à l’achat.
Mais est-il possible, dans certaines circonstances, qu’une telle promesse puisse survivre au-delà du délai dont elle est assortie si aucune démarche pour obtenir du financement n’a été entreprise et si le bénéficiaire de la promesse est laissé sans nouvelles?
La Cour du Québec s’est penchée sur la question en 2023 dans l’affaire Trépanier c. Piéraut1 .
FAITS PERTINENTS
Le 10 mai 2017, Piéraut accepte la promesse d’achat de Cantin, un associé de Trépanier, pour la vente de son terrain. Ces derniers ont le projet commun de construire une maison et de la revendre à profit. Cantin est le seul impliqué dans cette promesse qui est assortie d’une clause de financement. Cette dernière stipule que si, dans un délai de 60 jours, le financement n’a pas été obtenu, Cantin avisera Piéraut et la promesse deviendra caduque. Cette dernière ne précise pas la date de signature de l’acte de vente chez le notaire.
Pressés de débuter leur projet avant l’hiver, Cantin et Trépanier parviennent à convaincre Piéraut de signer une procuration à Cantin afin que celui-ci puisse le représenter dans toutes les actions en lien avec le terrain. Cette procuration est valide à partir de la date de la promesse d’achat jusqu’à la date de signature de l’acte notarié.
La ville tarde à approuver les plans de construction et à l’automne, Cantin et Trépanier décident d’acheter un autre terrain. Cantin n’a jamais fait démarche pour obtenir le financement nécessaire à l’achat du terrain de Piéraut et ne l’avise de rien concernant les derniers développements. Pour Piéraut, le 9 juillet 2017, la promesse est devenue caduque. D’ailleurs, ce n’est qu’au mois de février 2018, qu’il apprend que Cantin et Trépanier ont acheté un autre terrain. Le mois suivant, il leur envoie un courriel pour souligner le fait que la promesse d’achat est caduque vu le délai de 60 jours expiré. Il leur offre, par la même occasion, de rembourser une partie des frais encourus pour les travaux exécutés sur le terrain.
La bisbille s’installe entre Cantin et Trépanier et, le 3 février 2020, ils signent une convention de précisions afin de répartir les dépenses reliées à la promesse d’achat du terrain de Piéraut. Ce dernier n’est pas mis au courant de cette convention malgré le fait que son nom y apparaisse comme s’il y faisait partie. En effet, Cantin signe le document en se basant sur la procuration Piéraut en date du 10 mai 2017. En plus de cette convention précision, Cantin et Trépanier signe une convention de transfert par laquelle Cantin cède ses droits dans la promesse d’achat à Trépanier. Tout ceci se déroule, encore une fois, à l’insu de Piéraut, près de 3 ans après la signature de la promesse d’achat.
Le 2 février 2021, Trépanier envoie une mise en demeure à Piéraut, l’enjoignant à signer l’acte de vente chez le notaire dans les 5 jours. Suite au silence de Piéraut, Trépanier intente un recours devant la Cour du Québec.
JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE
À la lumière de la preuve déposée, principalement les témoignages des parties, le juge tranche en faveur de Piéraut : la promesse est devenue caduque à l’expiration du délai de 60 jours. Dans son jugement, il souligne, notamment, les dires de Cantin quant au fait qu’il n’avait pas les ressources financières pour acheter les deux terrains à la fois. Cantin avoue aussi que, pour lui, il était clair que Piéraut d’attendrait pas indéfiniment pour passer l’acte de vente. Il souligne également que lorsqu’il a signé la convention de transfert de la promesse d’achat, il l’a fait pour acheter la paix, devant l’insistance de Trépanier et dans la hâte d’en finir avec leur relation devenue conflictuelle. Pour lui, il était clair qu’il ne pouvait transmettre des droits qu’il ne possédait pas lui-même.
La juge est en désaccord avec Trépanier qui prétend que Cantin devait aviser Piéraut que le financement n’avait pas été obtenu pour que la promesse devienne caduque. Pour lui, envisager un tel scénario est contraire à l’intention commune, commercialement déraisonnable et contredit l’essence même de la promesse d’achat conditionnelle à l’obtention d’un financement2.
JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL
En appel3, Trépanier soutient essentiellement les mêmes arguments qu’en première instance, ajoutant que la juge a commis des erreurs dans l’appréciation de la preuve et de la crédibilité des témoins. Il ne parvient toutefois pas à relever quelque erreur de fait ou de droit manifeste ou déterminante justifiant l’appel. Il prétend que la juge a omis de traiter de son argument fondé sur l’article 1710 du Code civil du Québec selon lequel « la promesse de vente accompagnée de délivrance et de possession actuelle équivaut à vente »4, et que, conséquemment, il serait propriétaire du fameux terrain.
Pour une seconde fois, le tribunal se range du côté de Piéraut en soulignant que l’interprétation faite par la juge est conforme au texte de la promesse et à l’intention exprimée par les parties. La Cour précise également que l’art. 1710 C.c.Q. crée une présomption réfragable qui peut être repoussée par une convention contraire, notamment, comme dans le cas en l’espèce, une clause de financement.
CONCLUSION
La Cour d’appel l’a confirmé : la promesse d’achat conditionnelle à l’obtention de financement devient caduque à l’expiration du délai imparti et, l’article 1710 du Code civil du Québec qui stipule que la promesse de vente accompagnée de délivrance et possession actuelle équivaut à vente s’applique à moins qu’une convention ne prévoie autrement.
Rédigé avec la collaboration de Madame Annie Gauthier-Allard, étudiante en droit.
[1] Trépanier c. Piéraut, 2023 QCCQ 1935.
[2] Id., par. 60.
[3] Trépanier c. Piéraut, 2024 QCCA 1034.
[4] Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1710 (ci-après nommé « C.c.Q. »).