Un dommage corporel, combien ça vaut?


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En matière de responsabilité civile et de dommage corporel, une question prédomine généralement, et cela, dès le commencement d’un dossier : « Un dommage corporel, combien ça vaut ? ».

Suivent de près cette question, les questions suivantes : « Comment déterminer le montant d’argent qu’une personne pourrait recevoir ? » et « Est-ce qu’il y a un montant maximal qu’une personne peut recevoir? ».

Bien que ces questions semblent simples à première vue, l’analyse et la détermination du quantum des dommages est loin d’être une mince affaire.

LE FONDEMENT JURIDIQUE

Avant d’aller plus loin, il incombe de spécifier que le Code civil du Québec1 prévoit deux régimes de responsabilité distincts, soit la responsabilité civile contractuelle et la responsabilité civile extracontractuelle :

  1. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.

  1. Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.

Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.

Expliqué d’une manière très sommaire, il faut être en mesure de prouver qu’une faute a été commise, qu’un préjudice en résulte et qu’il existe un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.

LE PRÉJUDICE

La notion de préjudice se décompose en trois catégories : le préjudice matériel, le préjudice moral et le préjudice corporel.

Dans la présente publication, nous allons nous intéresser davantage au préjudice corporel.

Par définition, le préjudice corporel est une atteinte à l’intégrité physique de la personne.

Afin de déterminer les dommages associés à un préjudice, il est également nécessaire de mentionner que les dommages se divisent en deux catégories : les dommages pécuniaires et les dommages non pécuniaires.

LES DOMMAGES PÉCUNIAIRES

Les dommages pécuniaires sont en réalité les pertes qui impliquent une somme d’argent ou dont la valeur pourrait s’apprécier en argent.

Sans en dresser une liste exhaustive, voici des exemples de ce qui pourrait être considéré comme étant des dommages pécuniaires :

  • Pertes de revenus ;
  • Frais de soins et médicaments ;
  • Frais de déplacement ;
  • Frais de stationnement ;
  • Différentes factures à payer ou payées en trop ou pour rien.

Généralement, les dommages réclamés vont l’être pour le passé, c’est-à-dire, ce qui peut déjà être considéré comme étant une perte monétaire. Cependant, dans certains cas, des dommages futurs peuvent être réclamés, notamment une perte de revenus future, une perte d’expectative de gains, des frais pour des soins futurs, etc…

Les dommages et pertes pécuniaires sont généralement les plus simples à déterminer, étant un exercice davantage mathématique.

DOMMAGES NON PÉCUNIAIRES

C’est au stade de la détermination des dommages non pécuniaires que l’exercice se corse. En effet, contrairement aux dommages pécuniaires, il ne s’agit plus d’un calcul mathématique.

Sans en dresser une liste exhaustive, voici des exemples de ce qui pourrait être considéré comme étant des dommages non pécuniaires :

  • Douleur;
  • Stress ;
  • Troubles et inconvénients ;
  • Préjudice esthétique ;
  • Traumatisme ;
  • Limitation de la capacité physique ;
  • Perte d’expectative de vie.

Il n’est pas rare, à cette étape, de faire appel à un expert afin d’évaluer les conséquences sur la vie d’une personne atteinte d’un préjudice corporel.

Contrairement aux pertes pécuniaires, il existe un plafond pour l’indemnisation des pertes non pécuniaires. Ce plafond constitue une limite à la somme d’argent qu’il est possible d’obtenir pour un préjudice corporel.

Il est à noter que ce plafond ne s’applique que pour les dommages non pécuniaires résultant d’un préjudice corporel2.

En effet, ce plafond souvent appelé « Plafond Andrews » provient de la première des trois affaires traitées par la Cour Suprême du Canada de 1978 traitant chacune d’un accident laissant la victime handicapée pour le restant de ses jours. La Cour a décidé d’instaurer un plafond à 100 000 $ pour les dommages non pécuniaires, car il serait difficile d’imaginer des conséquences plus graves et catastrophiques que la situation du jeune Andrews3.

Autrement dit, le 100 000 $ serait accordé pour une personne qui souffre d’une incapacité physique de 100 %.

Qu’arrive-t-il lorsque l’incapacité physique est moindre ? Anciennement, certaines pratiques militaient en faveur de l’application d’une règle proportionnelle avec le pourcentage d’incapacité de la victime afin de trouver la valeur selon le 100 000 $. Cependant, cette pratique est erronée et obsolète4.

En effet, chaque préjudice se doit d’être analysé différemment, selon la gravité des atteintes pour la victime. À titre d’exemple, pour une incapacité de 5 %, un montant de 5 000 $ risquerait d’être très peu élevé et non représentatif pour les dommages et l’incapacité subis par la victime. De plus, les différents types d’incapacité sont difficilement comparables les uns avec les autres. À titre d’exemple, un 5 % d’incapacité pour une atteinte à un bras risquerait de ne pas être comparable à un 5 % d’incapacité d’atteinte cardiaque.

Pour déterminer un montant, il y a souvent lieu de faire une analyse approfondie de la jurisprudence afin de déterminer le montant le plus juste possible et susceptible d’être accordé par un Tribunal.

LE PLAFOND ANDREWS AUJOURD’HUI

La plafond Andrew, autrefois fixé à 100 000 $, est cependant indexé. Il représente aujourd’hui une somme de plus de 395 000 $5.

CONCLUSION

En terminant, lorsque vous êtes atteint d’un préjudice, notamment un préjudice corporel, un recours en responsabilité civile pourrait être entrepris pour obtenir une indemnisation. Il est également à noter que plusieurs autres moyens ou régimes différents pourraient s’offrir à vous.

Parlez-en à votre avocat !

Rédigé avec la collaboration de Madame Laurie Marcoux, étudiante en droit. 

 

1 Code civil du Québec, R.L.R.Q., CCQ-1991, art. 1457 et 1458.

2 Cinar c. Robinson, 2013 CSC 73.

3 Andrews c. Grand & Toy Alberta Ltd., [1978] 2 R.C.S. 229, p.233.

4 Maison Simons Inc. c. Lizotte, 2010 QCCA 2126, par. 35 et Parenteau c. Drolet, 1994 CanLII 5444 (QC CA).

5 A c. B, 2022 QCCS 768.