Droit commercial: La clause de préemption


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Il n’est pas rare que les actionnaires incluent dans leur convention entre actionnaires une clause qui prévoit le maintien des proportions de détention d’actions dans le capital-actions de leur société. Cette clause est d’une telle importance qu’on pourrait presque la qualifier d’essentielle. On l’appelle la clause de préemption.

Il est possible de prévoir l’existence et les modalités d’une telle clause de préemption à trois endroits, dépendamment de la loi constitutive de la société. On peut la retrouver dans la convention entre actionnaires, notamment pour les cas où il sera question de transfert d’actions entre actionnaires ou à des tiers, dans la convention unanime entre actionnaires, notamment pour les cas où il sera question d’émission de nouvelles actions, ou finalement dans les statuts constitutifs de la société. De plus, l’article 28 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C., c. C-44 exige que l’existence d’une clause de préemption soit prévue dans les statuts de l’entreprise tandis que l’article 55 de la Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1 prévoit que les statuts ou une convention unanime doivent le prévoir. Or, à défaut de prévoir l’existence d’une clause de préemption dans les statuts ou dans la convention unanime entre actionnaires, ces articles ne s’appliqueront pas et la clause de préemption sera inexistante.

Concrètement, quelle est l’utilité d’une clause de préemption? Elle permettra d’éviter que les actionnaires voient leur pourcentage d’actions dilué, c’est-à-dire que le nombre d’actions que possède l’actionnaire restera le même, mais le pourcentage qu’il détient dans le capital-actions de la société diminuera. Cette dilution des actions, lorsqu’elle intervient, peut avoir une influence sur les trois composantes essentielles d’une action, soit le pouvoir décisionnel des actionnaires (le droit de vote), la part des actionnaires dans les dividendes ainsi que la part des actionnaires dans le reliquat des biens advenant le cas où la société est dissoute. Ces trois éléments jouent un pouvoir essentiel sur les intérêts des actionnaires et c’est pourquoi il est primordial de les protéger.

L’émission de nouvelles actions par la société

La dilution des actions peut intervenir dans deux cas. En premier lieu, elle est possible lorsque la société émet de nouvelles actions, peu importe si elles sont émises en faveur d’un tiers ou d’un actionnaire déjà existant. Par exemple, si un actionnaire détient 51% des actions avec droit de vote, mais que de nouvelles actions comportant un droit de vote sont émises en faveur d’un tiers, l’actionnaire qui était majoritaire verra son pourcentage d’actions dilué et aura, par exemple, seulement 42% des actions avec droit de vote. Ainsi, son pouvoir décisionnel sera considérablement diminué étant donné qu’il perdra son statut d’actionnaire majoritaire.

Exemple d’émission de nouvelles actions en faveur d’un tiers :

La clause de préemption permet d’éviter que ce type de situation intervienne. En effet, elle peut prévoir que dans les cas d’émission de nouvelles actions, les actionnaires qui détiennent déjà des actions ont un droit de préférence pour souscrire aux nouvelles actions qui sont émises, et ce, dans la proportion du nombre d’actions qu’ils détiennent déjà dans la société. Il est également possible de prévoir que toute transaction allant à l’encontre de cette clause est nulle.

Le transfert d’actions par un actionnaire

La dilution des actions peut aussi intervenir dans les cas où un actionnaire transfère de manière volontaire ou forcée ses actions à un autre actionnaire sans impliquer les autres actionnaires. Ce serait le cas si, par exemple, trois actionnaires possèdent chacun 33,3% des actions avec droit de vote et que l’actionnaire C décidait de transférer toutes ses actions à l’actionnaire A. Ce dernier deviendrait alors actionnaire majoritaire puisqu’il détiendrait 66,6% des actions avec droit de vote et l’actionnaire B n’aurait que 33,3% des actions avec droit de vote. La société passerait de trois actionnaires égaux à deux actionnaires dont l’un a un pouvoir décisionnel nettement supérieur à l’autre.

Exemple de transfert d’actions :

Afin d’éviter que cette situation se concrétise, il est possible de prévoir que la clause de préemption vise également les situations où un actionnaire désire transférer ses actions à un autre actionnaire. Lorsque la clause le prévoit, l’actionnaire devra obligatoirement offrir les actions qu’il désire vendre à tous les actionnaires, et ce, en proportion du nombre d’actions détenues par chaque actionnaire déjà existant. Son défaut de respecter la clause de préemption est susceptible d’entraîner sa responsabilité personnelle.

Conclusion

La proportion d’actions que possède chaque actionnaire dans la société a une importance capitale en ce qui concerne le pouvoir décisionnel, les dividendes et le partage du reliquat des biens en cas de dissolution de la société, dépendamment des droits que confèrent les actions émises, et une clause de droit de préemption a pour but de protéger les intérêts que les actionnaires ont dans tous ces éléments. C’est pourquoi la rédaction de la clause de préemption ne doit pas être négligée et doit être adaptée aux besoins de chacun.

N’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre équipe qui se fera un plaisir de vous conseiller et de vous accompagner dans la rédaction de votre convention entre actionnaires.

Rédigé avec la collaboration de Madame Andrea Houle-Selby.