L’allègement fiscal, une option intéressante peu connue


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Aujourd’hui encore, malgré ses avantages évidents, l’allègement fiscal demeure un outil méconnu des contribuables et des entreprises. En effet, ces derniers, étant à la recherche d’options leur permettant d’abaisser leur fardeau fiscal, auraient dans bien des cas intérêt à se prévaloir de l’allègement fiscal. À titre d’exemple, le contribuable ou l’entreprise qui est dans l’impossibilité de rembourser une cotisation imposée par les autorités fiscales à échéance et qui bénéficie d’une justification suffisante à faire valoir pourrait bénéficier d’un allègement fiscal en vertu des articles 94.1 de la Loi sur l’administration fiscale¹ (ci-après la « LAF») et 220 (3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada (ci-après la « LIR »)². Effectivement, ces dispositions accordent aux autorités fiscales le pouvoir discrétionnaire d’annuler ou de renoncer en totalité ou en partie à des intérêts, des pénalités ou des frais payables.

Les pénalités et l’intérêt composé

Les pénalités

Les pénalités imposées peuvent facilement représenter un pourcentage élevé des sommes cotisées, pouvant atteindre jusqu’à 50 % du montant réclamé dans certains cas.

À titre d’exemple, voici certaines des pénalités les plus fréquemment imposées :

Omissions Pénalités
Production tardive de la déclaration de revenus 5 % de l’impôt impayé au moment où la déclaration de revenus doit être produite + 1 % par mois complet de retard pour un maximum de 12 mois (Art. 162 (1) LIR et 1045 LIQ[1])[1] Loi sur les impôts, chapitre I-3.
Omission volontaire de déclarer un revenu La somme la plus élevée de 100,00 $ ou de 50 % de l’impôt sur le revenu non déclaré (Art. 163 (2) LIR et 1049 LIQ)
En cas de récidive et après avoir reçu une mise en demeure de produire la déclaration de revenus 10 % de l’impôt impayé au moment où la déclaration de revenus doit être produite + 2 % par mois complet de retard pour un maximum de 20 mois (Art. 162 (2) LIR et voir 59.3.1 LAF)

L’intérêt composé

Les intérêts appliqués peuvent également représenter un montant considérable dont il peut s’avérer difficile de s’affranchir pour le contribuable. En effet, lorsqu’il ne parvient plus à assumer ses obligations fiscales à échéance ou lorsque des sommes lui sont réclamées par les autorités fiscales, le contribuable se verra imposer des intérêts composés quotidiennement.

Les intérêts sont dits « composés » ou « capitalisés », car ceux-ci sont versés directement sur le capital à la fin de chaque période afin de générer de nouveaux intérêts. En quelque sorte, le contribuable se voit imposer des intérêts sur les intérêts.

En plus, ils sont « composés » ou « capitalisés » quotidiennement, de sorte que le montant dû en capital par le contribuable augmente à chaque jour. Cette augmentation quotidienne équivaut à la proportion du taux d’intérêt en vigueur sur une année complète. Par exemple, si le taux d’intérêt en vigueur correspond à 5 % par année, un montant de 5 % / 365 sera ajouté au capital à chaque jour et l’intérêt sera calculé quotidiennement sur ce nouveau capital.

Plusieurs sites internet comme celui de TMX Argent offrent des outils de calcul permettant de déterminer efficacement le montant de tels intérêts composés.

À titre informatif, voici certains taux d’intérêt annuel en vigueur du 1er juillet 2016 au 30 septembre 2016 au fédéral :

  • Le taux d’intérêt applicable aux montants impayés d’impôt, de cotisations au Régime de pensions du Canada et de cotisations à l’assurance-emploi sera de 5 %;
  • Le taux d’intérêt applicable aux paiements en trop des contribuables constitués en société sera de 1 %;
  • Le taux d’intérêt applicable aux paiements en trop des contribuables non constitués en société sera de 3 %;
  • Le taux d’intérêt utilisé pour calculer les avantages imposables qui sont accordés aux employés et aux actionnaires sous forme de prêts sans intérêt et de prêts à faible taux d’intérêt sera de 1 %;
  • Le taux d’intérêt sur les prêts ou dettes déterminé par les contribuables constitués en société sera de 4,50 %.

Au niveau provincial, le site internet de Revenu Québec résume bien les taux d’intérêts tant lorsque le contribuable est endetté envers l’autorité fiscale que lorsqu’un remboursement lui est dû par celle-ci.

Comme nous pouvons le constater, les intérêts portant sur des sommes dues par le contribuable aux autorités fiscales ne sont pas calculés en vertu des mêmes taux que ceux applicables aux montants dont ces autorités lui sont redevables, et ce, tant au niveau fédéral que provincial.

Ainsi, les sommes réclamées par les autorités fiscales peuvent donc représenter des montants énormes pour le contribuable. Dans de telles circonstances, le mécanisme de l’allègement fiscal devient un moyen légitime et efficace qui lui permet de diminuer les montants qui seraient autrement dus. Cela peut parfois lui permettre d’économiser des sommes appréciables pouvant même, dans certains cas, lui éviter la faillite.

Délai pour présenter la demande d’allègement fiscal

Afin d’éviter qu’elles soient prescrites, les demandes d’allègement fiscal doivent être présentées dans un délai maximal de 10 ans.

Plus particulièrement, la décision Bozzer4 a précisé les modalités concernant les demandes d’allègement en vertu d’intérêts non payés. Il est donc possible de faire une demande d’allègement fiscal pour des intérêts accumulés au cours des 10 dernières années civiles, et ce, même si les intérêts proviennent d’une année d’imposition antérieure à cette période. Par exemple, si un contribuable présente une demande d’allègement fiscal en 2016 pour l’année d’imposition 2002, celui-ci pourrait voir ses intérêts annulés pour les années civiles 2006 à 2016. Le contribuable peut donc bénéficier de l’allègement pour la période s’échelonnant sur les 10 années précédant l’année d’imposition 2016 même si les intérêts proviennent d’une dette de 2002. En somme, le fonctionnaire à qui une demande d’allègement est présentée a un pouvoir discrétionnaire pour les 10 années précédant la demande d’allègement, et ce, nonobstant la date de l’année d’imposition où les intérêts ont commencé à courir.

En ce qui a trait aux pénalités et aux autres frais, la demande ne pourra se rapporter qu’aux années d’imposition, ou d’exercice pour les compagnies, qui se termine dans les 10 années civiles précédant la demande d’allègement. Ainsi, une demande d’allègement fiscal présentée en 2016 devra nécessairement viser une pénalité se rapportant à une année d’imposition postérieure à 2005.

Il est à noter que le délai de prescription de 10 ans se calcule en années civiles. Le contribuable dispose de 10 ans à partir de la fin de l’année civile pour faire sa demande. En reprenant l’exemple précédemment illustrée, le contribuable qui souhaite faire une demande d’allègement pour des intérêts ou des pénalités imposées en 2006 sera en mesure de la faire à n’importe quel moment avant le 1er janvier 2017, le délai de prescription recommençant à courir à chaque 1er janvier.

Enfin, le contribuable doit demeurer vigilent et se rappeler que ce délai de prescription ne laisse place à aucune discrétion de la part du fonctionnaire pour faire droit à une demande tardive.

Mot de la fin

Les dispositions concernant l’allègement fiscal peuvent être fort utiles tout particulièrement pour le contribuable dont les dettes dues aux autorités fiscales s’échelonnent sur de nombreuses années. Dans un tel cas, l’allègement fiscal peut s’avérer un excellent moyen de permettre à un contribuable de reprendre en mains ses finances personnelles ou à une entreprise de relancer ses affaires. Bien entendu, considérant les impacts fiscaux que les mesures d’allègement fiscal peuvent avoir sur le contribuable et l’État, le législateur a pris soin d’imposer des normes à respecter pour encadrer le pouvoir discrétionnaire du fonctionnaire chargé d’accorder ou non une demande d’allègement. Ces critères sont d’ailleurs étudiés dans la publication intitulée L’allègement fiscal : qu’en est-il de l’analyse des demandes?.

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Rédigée avec la précieuse collaboration de Monsieur David Genest, stagiaire du Barreau.


¹Loi sur l’administration fiscale, chapitre A-6.002.
²Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).
³Loi sur les impôts, chapitre I-3.
4Bozzer c Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2011 CAF 186.