Normes du travail: Protection équivalente au provincial et au fédéral?


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Dans une précédente publication, nous avons fait état du test applicable pour déterminer quelle loi du travail était applicable à un transporteur effectuant à la fois du transport intraprovincial et interprovincial.

Pour lors, il importe désormais de recenser les principales distinctions concernant les normes du travail prévues au Code canadien du travail et à la Loi sur les normes du travail (ci-après respectivement le « CCT » et la « LNT »). Compte tenu de leur objectif commun visant à fournir un cadre protectionniste aux salariés, les différences ne sont pas excessivement nombreuses. Nous avons relevé quatre (4) principales distinctions, à savoir :

  • L’admissibilité aux congés parentaux;
  • Les congés de maladie;
  • La protection contre le harcèlement psychologique;
  • La semaine normale de travail;

L’admissibilité aux congés parentaux

La partie III du Code canadien du travail prévoit, à ses articles 206 et 206.1, les conditions principales pour l’octroi d’un congé parental à un salarié. Ce dernier doit cumuler un minimum de six (6) mois de travail ininterrompu afin de se prévaloir de cette protection. L’article 81.10 de la LNT ne prévoit, quant à lui, aucune période préalable et la protection est accessible dès l’embauche, à l’instar de la législation provinciale de la Colombie-Britannique et du Nouveau-Brunswick.

Les congés de maladie

Une différence existe également quant à la possibilité pour un salarié de se prévaloir d’un congé pour cause de maladie. Aux termes du CCT, le droit pour un salarié d’utiliser cette protection n’est pas clairement défini et ne se retrouve pas expressément édicté. Ceci étant, l’article 239 (1) en traite toutefois indirectement lorsqu’il prohibe le congédiement d’un employé qui respecte une période de congé de maladie maximale de 17 semaines. Il faut donc en comprendre, a contrario, qu’un employé a droit à ce maximum selon le CCT.

La LNT prévoit, quant à elle, une période un peu plus généreuse pour l’employé désirant se prévaloir d’un congé de maladie, puisque le congé de maladie a été étendu à une durée de 26 semaines (79.1 LNT) lors de la réforme de la LNT en 2002.

Enfin, la réintégration dans le poste habituel n’est pas théoriquement garantie pour le salarié soumis à la CCT puisque l’article 239 (1.1.) prévoit que l’employeur peut affecter celui-ci à un poste différent s’il est d’avis que le salarié n’est plus en mesure de remplir les fonctions qu’il occupait auparavant. L’article 79.4 de la LNT prévoit toutefois la réintégration dans le poste habituel et constate l’obligation pour l’employeur de le faire.

La protection contre le harcèlement psychologique

Le CCT offre une protection contre le harcèlement sexuel, mais ne prévoit pas d’une manière claire et limpide la protection contre le harcèlement psychologique tel que prévu à l’article 81.18 de la LNT. En effet, l’article 247.1 définit le harcèlement sexuel comme étant notamment « tout comportement, propos, geste ou contact qui, sur le plan sexuel, […] est de nature à offenser ou humilier un employé. »

Toutefois, lorsque que le harcèlement a lieu dans un contexte autre que sexuel, les salariés n’ont pas de protection comme celle prévue dans la LNT, cette dernière définissant le harcèlement psychologique comme étant :

« Une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.¹»

Ceci étant, l’absence de protection claire à cet effet dans le CCT ne signifie pas qu’un salarié d’une entreprise fédérale est entièrement démuni dans le cas où il est victime de harcèlement psychologique, simplement qu’il ne bénéficie pas du recours précis se retrouvant à la LNT. Un salarié d’une entreprise fédérale pourrait très bien, à titre d’exemple, trouver une assise légale à un recours contre le harcèlement psychologique dans sa convention collective.

Semaine normale de travail

À l’instar de la LNT, le CCT prévoit que la durée normale d’une semaine de travail est de 40 heures par semaine, bien qu’elle puisse s’étendre à 48 heures en certains domaines. Par ailleurs, des règlements fédéraux peuvent, quant à eux, établir une semaine normale de travail plus élevée comme il est le cas pour les employés œuvrant dans le domaine du transport interprovincial, lesquels sont soumis à une semaine normale de travail de 60 heures.

En effet, les « conducteurs routiers de véhicules automobiles » au sens du  Règlement sur la durée du travail des conducteurs de véhicules automobiles voient leur semaine normale de travail porter à un total de 60 heures, et ce, selon les articles 6 (1) et (2) du Règlement.

La LNT prévoit quant à elle des dispositions analogues² et les différents règlements peuvent prévoir des semaines d’une plus longue durée, notamment pour les salariés suivants :

  • Une semaine normale de travail de 47 heures pour un salarié occupé dans une exploitation forestière ou dans une scierie;
  • Une semaine normale de travail de 55 heures pour un salarié qui travaille dans un endroit isolé, à savoir un endroit inaccessible par une route carrossable et qu’aucun système régulier de transport ne relie au réseau routier du Québec;
  • Une semaine de travail de 55 heures pour un salarié qui effectue des travaux sur le territoire de la région de la Baie James;

Conclusions

En somme, il est de la plus haute importance, à la fois pour le salarié et pour l’employeur ou directeur des ressources humaines, de bien définir, au sens légal et constitutionnel, l’entreprise requérant les services de travailleurs et de bien circonscrire les droits minimaux dont ceux-ci bénéficient.

La qualification constitutionnelle de l’entreprise et la détermination du cadre juridique approprié régissant les relations de travail auront des impacts pratiques considérables en ce qu’ils permettront notamment de diminuer le stress lié à la gestion des ressources humaines, d’éviter les recours juridiques ainsi que d’accroître le niveau de satisfaction et de productivité des employés. Tous ces avantages permettront peut-être à une entreprise de trouver la route de la rentabilité financière et du succès !

Pour plus d’informations concernant le droit du travail, nous vous invitons à communiquer avec Me Daniel Wysocki, lequel se fera un plaisir de répondre à vos questions.

Rédigé par Bernier Fournier.


¹Article 81.18 de la Loi sur les normes du travail.
²Article 9 du Règlement sur les normes du travail.